Plusieurs responsables américains se sont affrontés dimanche sur la responsabilité de la CIA dans le recours à la torture contre des membres présumés d'Al-Qaida dans les années 2000, après un rapport au vitriol du Sénat qui a provoqué une onde de choc mondiale.

Même au sein du camp républicain les révélations du Sénat ont mis au jour de sérieuses divergences d'opinions.

L'ancien vice-président Dick Cheney a vigoureusement défendu le travail des agents de l'agence de renseignement pour ses interrogatoires musclés contre des dizaines de membres présumés d'Al-Qaïda, parfois dans des sites tenus secrets. «Je suis parfaitement à l'aise: ils devraient être glorifiés, ils devraient être décorés», a déclaré sur NBC M. Cheney, en poste de 2001 à 2009 sous le président George W. Bush, à l'époque où la CIA avait recours à des «techniques d'interrogatoires renforcées» contre des dizaines de «terroristes» présumés.

Le rapport accablant rendu public mardi par le Sénat affirme que les actes de torture perpétrés par des interrogateurs de la CIA n'avaient permis de récupérer aucune information valable à l'époque de la «guerre contre le terrorisme» lancée par MM. Bush et Cheney. La commission du Renseignement du Sénat, dirigée par l'élue démocrate Dianne Feinstein, a aussi dénoncé les mensonges de l'agence vis-à-vis du Congrès et de la Maison-Blanche.

Mais pour Dick Cheney, «la torture, c'est ce que les terroristes d'Al-Qaida ont fait subir à 3000 Américains le 11-Septembre», des attentats qui ont traumatisé les États-Unis. «Il n'y a pas de comparaisons entre ça et ce que nous avons fait avec respect pour améliorer nos interrogatoires», a-t-il défendu.

M. Cheney a aussi répété que le président George W. Bush (2001-2009) connaissait le programme de tortures de la CIA: «Cet homme savait ce que nous faisions. Il l'a autorisé, il l'a approuvé».

George W. Bush, qui avait été interrogé dimanche dernier par CNN, avant la publication du rapport du Sénat, était allé dans le même sens que son vice-président: «Nous avons de la chance d'avoir des hommes et des femmes qui travaillent dur pour servir nos intérêts. Ce sont des patriotes et peu importe ce que le rapport dira», avait-il dit.

«Montagne de contradictions»

Dimanche, Peter King, un représentant républicain, a renchéri: «Les gens de la CIA ont fait un excellent travail, ils ont agi dans des circonstances très difficiles et ils ont permis d'empêcher des attaques contre les États-Unis. Nous devons arrêter de nous autoflageller», a-t-il lancé sur CNN.

En revanche, le sénateur John McCain, héros de la guerre du Vietnam où il avait été torturé, est l'un des rares républicains à soutenir le rapport du Sénat. Il a de nouveau regretté dimanche que les autorités américaines aient utilisé de telles méthodes et reconnu que la Convention de Genève sur le traitement des prisonniers avait été violée.

«On fait parfois des erreurs, on analyse et on promet de tout faire pour ne plus recommencer», a déclaré sur la chaîne CBS M. McCain, ancien candidat à la présidence des États-Unis. «Nous ne sommes pas une nation parfaite, mais nous sommes une nation qui avoue ses erreurs. Et nous avançons».

Le sénateur démocrate Sheldon Whitehouse a appuyé ces propos, rappelant que les États-Unis considèrent les simulations de noyade, largement utilisées par la CIA, comme de la torture depuis des décennies, «depuis que nous avons poursuivi des soldats japonais de la Seconde Guerre mondiale» pour y avoir eu recours contre des prisonniers américains.

Enfin, son collègue Ron Wyden, qui a participé à l'élaboration du volumineux et très détaillé rapport du Sénat, a accusé la CIA d'avoir menti, dénonçant «une montagne de contradictions» entre les communications internes de l'agence (CIA) et les déclarations qu'elle faisait à la Maison-Blanche, au Congrès ou au ministère de la Justice.

Le rapport du Sénat a provoqué une onde de choc aux États-Unis et dans le monde. Le président Barack Obama a mis fin à ce programme de la CIA dès son arrivée à la Maison-Blanche début 2009. Mais son gouvernement a exclu toute poursuite en justice.