Après les champs de bataille du Pakistan au Mali, les drones sillonnent maintenant l'espace. Le drone X-37B de l'armée de l'air américaine doit terminer cette semaine une mission de deux ans en orbite, sa deuxième depuis 2010. Un autre appareil X-37B a fait une troisième mission en 2012. Le «secret défense» entoure toujours le drone fabriqué par Boeing, qui est un modèle réduit de la navette spatiale. Nos explications en quatre mots.

Espionnage

Au début de la mission, des astronomes amateurs ont affirmé que la trajectoire du X-37B semblait suivre le laboratoire spatial chinois Tiangong 1. Les avis sont divergents sur la validité de cette hypothèse. «Je n'ai pas vu de données prouvant hors de tout doute que c'est le cas, mais il est certain que l'armée de l'air veut tester le plus possible les capacités du X-37B», explique Joan Johnson-Freeze, spécialiste des programmes spatiaux au collège militaire de la marine américaine au Rhode Island. Jonathan McDowell, un astrophysicien de l'Université Harvard qui suit le X-37B depuis le début du programme à la NASA en 1999, écarte quant à lui la possibilité d'un espionnage de Tiangong 1. «Je pense qu'il s'agit d'un banc d'essai pour les nouvelles technologies d'espionnage, dit M. McDowell. À mon avis, la mission ne devait pas durer aussi longtemps. Les instruments testés se sont probablement révélés si performants que les clients de l'armée de l'air, les agences de renseignement, ont demandé de les utiliser de manière opérationnelle. Ça a permis d'établir un record en orbite pour un appareil qui revient sur Terre intact. Il est utile pour l'armée de l'air de savoir si les tuiles thermoprotectrices et le système de volets aérodynamiques ont été endommagés par un si long séjour dans l'espace.»

Militarisation

La capacité du X-37B de manoeuvrer, et le secret qui entoure le programme, suscite de multiples hypothèses sur son utilisation future. Les plus audacieuses évoquent des armes qui pourraient être utilisées pour détruire les satellites ennemis. Tant M. McDowell que Mme Johnson-Freeze pensent que la réalité est plus prosaïque. «En comparaison d'un satellite, il a plus de poids à cause de ses ailes, qui ne servent à rien dans l'espace, dit M. McDowell. Il faut donc plus de carburant pour le même déplacement. Le programme de nanosatellite Angels, par exemple, qui vise à approcher et photographier des satellites ennemis, serait beaucoup plus efficace.» Des rumeurs dans les années 70 plaçaient, à bord des stations spatiales soviétiques Saliout 3 et 5, un canon antisatellite.

Chine

Une autre hypothèse veut que le X-37B soit une réponse au programme chinois de missiles antisatellite, qui a été testé avec succès en 2007 (les États-Unis avaient fait un test similaire en 2008). Selon Mme Johnson-Freeze, il se peut que la capacité de manoeuvre du X-37B, en raison de ses réacteurs, puisse être utilisée à cette fin. Mais elle note, tout comme M. McDowell, que d'autres programmes semblent plus prometteurs. «La doctrine officielle est de répondre à la menace de missiles antisatellite par des lancements plus rapides, dit l'astrophysicien de Harvard. Un programme a été lancé il y a une dizaine d'années et a été copié par la Chine. Le X-37B pourrait jouer un rôle pour cela, mais ce serait pour des satellites beaucoup plus petits que les satellites-espions actuels, qui font dix tonnes alors que le X-37B ne peut transporter qu'une charge utile d'une demi-tonne. Peut-être pourrait-il être utilisé pour lancer rapidement des satellites d'écoute électronique, sans caméras, ou un satellite GPS très simple.»

Un vieux rêve

Quand la NASA a abandonné le projet X-37 en 1999, concluant qu'il coûterait trop cher pour servir de taxi vers la station spatiale internationale, l'armée de l'air a sauté sur l'occasion. «La NASA n'avait fait qu'une maquette réduite, le X-37A, qui ne pouvait aller dans l'espace. L'armée de l'air a fait elle-même le X-37B et planche sur une version habitable, le X-37C, qui à mon avis ne verra jamais le jour parce qu'elle coûterait trop cher. L'armée de l'air rêve à un chasseur spatial depuis les années 50», dit M. McDowell. Elle a d'abord proposé le X-20 Dyna-Soar, un programme de navette spatiale militaire qui a été annulé en 1963. Ensuite, le Laboratoire habité en orbite, qui devait faire de l'espionnage et a été annulé en 1969 quand on s'est rendu compte que les satellites-espions coûteraient moins cher. Le Space Command de l'Armée de l'air a été créé en 1982 en même temps que le bataillon de génie spatial, dont les membres ont fait quelques missions sur la navette spatiale avant que le bataillon soit dissous en 1990. L'armée de l'air avait même prévu prendre livraison de quelques navettes spatiales et avait commencé à bâtir une rampe de lancement. Les travaux ont été abandonnés en 1985.