La plupart des aspirants à la Maison-Blanche choisissent Israël comme première destination étrangère en tant que candidats pressentis ou déclarés. Rand Paul, lui, est allé au Guatemala.

«Presque tout le monde ici verra un peu mieux», a déclaré le sénateur républicain du Kentucky à un journaliste de Breitbart News, entre deux interventions dans une salle d'opération de fortune à Salama, où il a pratiqué gratuitement sa première profession, chirurgien ophtalmologue, la semaine dernière.

La destination et l'activité de Rand Paul ne constituent pas un choix innocent. Accompagné de journalistes, le politicien de 51 ans voulait montrer de la compassion à l'égard de la population guatémaltèque, dont les enfants ont afflué en grand nombre à la frontière américaine au cours des derniers mois. Tandis que certains membres de son parti parlent de les expulser dès leur arrivée aux États-Unis, il se rend dans leur pays pour soigner leurs yeux.

Depuis son fameux marathon verbal de 13 heures au Sénat pour bloquer la nomination à la tête de la CIA de John Brennan, architecte de la campagne des drones contre Al-Qaïda, en mars 2013, Rand Paul a démontré qu'il n'était pas un républicain comme les autres. Certaines de ses idées découlent de la même veine libertarienne qui avait irrigué le discours de son père Ron, ancien représentant du Texas et candidat à l'investiture républicaine pour les élections présidentielles de 2008 et 2012.

Des idées que leurs partisans associent souvent à l'idéal du «gouvernement limité» de Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis et auteur de la Déclaration d'indépendance.

Mais l'approche du fils est différente, voire audacieuse. Celui-ci répète souvent que le Parti républicain doit s'ouvrir aux minorités et aux jeunes pour être viable. De toute évidence, son séjour au Guatemala participe de son désir de se rapprocher de l'électorat latino, même si ses positions en matière d'immigration ne dévient pas encore de la vulgate républicaine.

Il en va autrement de ses politiques à l'égard du système de justice américain, sujet qui touche en particulier les Afro-Américains et les Latinos. Dans la foulée de la mort de Michael Brown, ce jeune noir abattu par un policier blanc de Ferguson, au Missouri, Rand Paul est le seul politicien américain d'envergure à ne pas s'être muré dans le silence ou les généralités.

«Si on m'avait dit, adolescent, de déguerpir de la rue, j'aurais probablement rouspété. Mais je ne me serais pas attendu à être abattu», a écrit le sénateur républicain sur le site de l'hebdomadaire Time, le 14 août.

Et d'ajouter: «Quiconque pense que la question raciale ne pèse pas dans l'application de la justice criminelle dans ce pays, même accidentellement, ne prête pas assez attention. Nos prisons sont remplies de femmes et d'hommes noirs ou bruns qui servent des peines trop longues et trop sévères pour des erreurs non violentes commises dans leur jeunesse.»

Un mois avant d'écrire ces mots, Rand Paul s'était joint au sénateur démocrate du New Jersey Cory Booker, un Afro-Américain, pour présenter un projet de réforme du système de justice. Il veut notamment permettre la fermeture ou l'annulation des casiers judiciaires d'individus reconnus coupables de crimes non violents, dont la possession ou le trafic de petites quantités de drogue. «Plusieurs jeunes pourraient échapper [au cycle de pauvreté et d'incarcération] si le système de justice était réformé, si les casiers étaient fermés ou supprimés après la peine de prison purgée, si les crimes non violents ne devenaient pas un obstacle permanent à l'emploi», a déclaré Rand Paul.

Investiture républicaine

Le détenteur de telles idées pourrait-il remporter l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de 2016? À la mi-juillet, un sondage réalisé pour NBC News plaçait Rand Paul au premier rang, à égalité avec un autre candidat, dans les deux premiers États (l'Iowa et le New Hampshire) qui voteront à l'occasion des primaires et caucus.

Le magazine du New York Times consacrait pour sa part le reportage principal de son numéro du 7 août au «moment libertarien» qui pourrait s'incarner autour de Rand Paul et attirer les jeunes vers le Parti républicain.

En attendant, Rand Paul se plaît à évoquer la possibilité d'une élection présidentielle l'opposant à Hillary Clinton, grande favorite du Parti démocrate, qu'il accuse de bellicisme.

«Si vous voulez une élection qui chamboule tout l'éventail politique, laissez les démocrates choisir un faucon comme Hillary Clinton», a-t-il déclaré lors d'une interview diffusée hier matin à l'émission Meet the Press de NBC. «Vous verrez une transformation comme vous n'en avez jamais vu.»