L'administration américaine, qui a tué des milliers de personnes dans des frappes de drones au cours des dernières années, pourrait se voir forcée d'expliciter la logique judiciaire derrière cette pratique controversée.

Une cour d'appel de New York lui a ordonné en début de semaine de divulguer publiquement le contenu d'un mémorandum confidentiel du ministère de la Justice ayant notamment servi à justifier une frappe au Yémen contre un citoyen américain présenté comme un membre important d'Al-Qaïda.

Anouar al-Aulaqi, originaire du Nouveau-Mexique, avait été abattu dans une attaque de drones survenue le 30 septembre 2011 en même temps qu'un autre ressortissant américain, Samir Khan, qui ne figurait pas parmi les cibles identifiées par l'administration.

La décision du tribunal, qui pourrait être portée en appel, faisait suite à une demande d'accès à l'information formulée par des journalistes du New York Times ainsi que l'American Civil Liberties Union (ACLU).

Les frappes de drones, défendues par Washington comme un atout important dans la lutte contre le terrorisme, sont décriées depuis longtemps par les organisations de défense des droits de l'homme. La mort d'al-Aulaqi, qui avait été placé au préalable sur une liste de cibles potentielles par les États-Unis, avait poussé l'administration à lever, en partie, le voile sur les critères adoptés pour déterminer si une frappe est justifiée et légale.

Une mesure de dernier recours?

En avril 2013, l'actuel chef de la CIA, John Brennan, qui était alors l'un des principaux conseillers en matière de terrorisme du président Barack Obama, avait expliqué que les États-Unis étaient engagés dans un «conflit armé» avec Al-Qaïda et des groupes associés comme les talibans, et pouvaient utiliser la force pour assurer leur défense, incluant dans des pays comme le Pakistan et le Yémen, avec lesquels ils ne sont pas en guerre.

Un mois plus tard, la Maison-Blanche a affirmé que son objectif premier était toujours de capturer les gens soupçonnés de terrorisme. Les frappes de drones ne devraient être utilisées, expliquait-on alors, qu'en l'absence de toute autre solution de rechange, lorsque la personne ciblée représente une «menace imminente» pour des citoyens américains et que des civils innocents ne sont pas menacés par les frappes.

Un document interne obtenu par la chaîne américaine NBC indique que l'administration a pris dans les faits des libertés non négligeables avec les concepts évoqués, adoptant des définitions très larges pour justifier ses actions.

La divulgation intégrale du mémorandum réclamé devant le tribunal new-yorkais pourrait lever toute ambiguïté sur les raisonnements utilisés par Washington et frayer la voie à des recours judiciaires.