Malgré un début désastreux et une fin chaotique, la réforme de la santé américaine a permis hier à Barack Obama de revendiquer une victoire à la fois inattendue et symbolique. En six mois, 7,1 millions d'Américains ont souscrit une assurance maladie privée dans le cadre de sa loi controversée, s'est félicité le président lors d'une brève allocution dans la Roseraie de la Maison-Blanche.

Ce nombre, légèrement supérieur à l'objectif initial, paraissait inatteignable en octobre et novembre derniers, au plus fort des problèmes rencontrés par le site internet HealthCare.gov, où les citoyens devaient s'inscrire. «L'essentiel, c'est que la proportion d'Américains assurés a augmenté et que la croissance des coûts de l'assurance maladie a baissé», a déclaré Barack Obama. «Il n'y a aucune raison de retourner en arrière.» Mais la bataille n'est pas encore gagnée pour la Maison-Blanche sur le front de la santé, où des obstacles politiques, économiques et juridiques se dressent encore. Décryptage.

Matraque politique

«Ils trafiquent les chiffres», a déclaré le sénateur républicain du Wyoming John Barrasso, dimanche sur Fox News, en parlant du nombre d'Américains inscrits à l'Obamacare selon la Maison-Blanche. Ce scepticisme - certains préfèrent parler de déni - illustre un fait incontournable: les républicains ne sont pas prêts à abandonner leur opposition farouche à la réforme de la santé du président. Opposition qui, jusqu'à preuve du contraire, sera un de leurs principaux chevaux de bataille pour les élections de mi-mandat, en novembre. Dans certains États conservateurs, l'impopularité de l'Obamacare pourrait permettre aux républicains de ravir aux démocrates des sièges au Sénat des États-Unis. Mais ils devront probablement réviser certaines de leurs critiques à la lumière des nouvelles données. En attendant, les démocrates continueront à promettre d'améliorer la réforme tout en vantant ses aspects les plus populaires, dont l'interdiction de refuser une assurance maladie à une personne ayant une condition préexistante.

Incertitude économique

Le nombre d'inscriptions à l'Obamacare ne garantit pas en soi sa viabilité économique. Depuis le lancement de la réforme, les experts répètent que son succès dépend en grande partie de la proportion de jeunes adultes inscrits. Cette proportion doit atteindre environ 35% pour compenser les coûts supérieurs des soins prodigués aux patients plus âgés ou atteints de maladies graves. Or, si les jeunes adultes ne s'inscrivent pas en nombre suffisant, les cotisations risquent d'augmenter de façon importante l'année prochaine, ce que prédisent déjà les républicains. Pour le moment, le nombre de jeunes adultes inscrits n'est pas encore connu. Les Américains ayant refusé de souscrire une assurance maladie avant la date limite s'exposent à une amende qui commencera à être infligée l'année prochaine. Les personnes à faibles revenus peuvent recevoir une aide financière pour acheter une assurance maladie ou profiter de l'extension du programme d'assurance maladie Medicaid pour les pauvres.

Péril juridique

La décision de la Cour suprême de valider l'Obamacare, en juin 2012, n'a pas mis un terme à la bataille juridique autour de son application.

Le mois dernier, les juges de la plus haute instance américaine se sont penchés sur la question de savoir si un employeur pouvait invoquer sa religion pour se soustraire à un volet de la réforme donnant à ses employées l'accès à certaines méthodes de contraception. Des juristes conservateurs rêvent de leur côté de contester devant la Cour suprême un autre volet de la loi, celui de l'aide financière.

Selon eux, les Américains à faibles revenus ne sont pas admissibles à une aide financière s'ils ont souscrit une assurance maladie par l'entremise du marché mis en place par l'État fédéral. La loi prévoit à leur avis que seuls les Américains ayant acheté leur assurance maladie dans un marché créé par un État - seulement 16 l'ont fait - peuvent recevoir cette aide.

L'assurance maladie en chiffres

48 millions

Nombre d'Américains non assurés à la fin de 2012, selon le Bureau du recensement des États-Unis.

31 millions

Nombre d'Américains non assurés à qui la réforme de la santé doit à terme procurer une couverture.

7,1 millions

Nombre d'Américains qui ont souscrit depuis le 1er octobre une assurance maladie privée dans le cadre de la réforme de la santé, selon la Maison-Blanche.

9,5 millions

Nombre minimum d'Américains non assurés qui le sont devenus à la suite de la création des nouveaux marchés d'assurance maladie et de l'extension du programme Medicaid, selon des données recueillies par le Los Angeles Times.