Dix ans après le scandale d'Abou Ghraib, une organisation de défense des droits de l'homme a réclamé mardi la réouverture de poursuites judiciaires contre une société militaire américaine privée, chargée à l'époque des interrogatoires dans la prison irakienne.

En 2004, l'entreprise CACI International avait été citée dans l'affaire des mauvais traitements, actes de torture et sévices pratiqués sur des prisonniers irakiens du centre de détention d'Abou Ghraib, alors géré par les États-Unis.

La diffusion de photos montrant des détenus humiliés par des militaires américains avait déclenché le scandale. De 2004 à 2006, 11 soldats, dont Lynndie England que l'on a vue souriante aux côtés de prisonniers nus et subissant des sévices sexuels, avaient été condamnés à des peines de prison en cour martiale.

Des employés civils de CACI, travaillant alors sous contrat avec le gouvernement américain, avaient été accusés d'avoir encouragé les militaires à pratiquer ces mauvais traitements sur les prisonniers pour les préparer aux interrogatoires.

L'entreprise «CACI a sans aucun doute joué un rôle clé dans ces atrocités et il est temps qu'elle rende des comptes», a déclaré mardi Baher Azmy, directeur juridique du Centre pour les droits constitutionnels (CCR), qui a demandé la réouverture des poursuites devant une cour d'appel de Virginie (est) au nom de quatre anciens prisonniers irakiens.

Un juge fédéral de première instance avait prononcé un non-lieu en juin 2013, en s'appuyant sur la récente décision de la Cour suprême des États-Unis, «Kiobel contre Shell/Royal Dutch Petroleum». Dans cette affaire, la haute Cour a considéré que le géant britannique du pétrole Shell ne pouvait pas être poursuivi sur le sol américain pour des violations des droits de l'homme commises au Nigeria.

«Kiobel ne doit pas s'appliquer ici», a souligné à l'AFP Me Azmy, «il s'agit ici d'une société américaine dans une prison gérée par Washington à un moment où Abou Ghraib et l'Irak sont occupés par les États-Unis», a-t-il ajouté, se disant «optimiste» sur le fait que la cour d'appel «trouve un moyen de rouvrir l'affaire».

Contactée par l'AFP, CACI n'avait pas répondu immédiatement.

Mais sur son site internet, son PDG Jack London rappelle «qu'aucun employé ou ex-employé de CACI n'a jamais été inculpé pour mauvaise conduite en lien avec les activités de CACI en Irak. Et si trois anciens employés ont été cités (...), aucun d'entre eux n'a participé ou n'apparaît sur les photos horribles qui ont été publiées».

En juin 2011, la Cour suprême avait refusé d'entendre la plainte de 250 prisonniers irakiens contre CACI et Titan Corporation, une autre entreprise privée sous contrat à Abou Ghraib.