L'ex-secrétaire d'État américaine Hillary Rodham Clinton est de passage à Montréal aujourd'hui et doit prononcer une conférence au Palais des congrès en fin de journée. Ex-candidate à la présidence des États-Unis, Mme Clinton est une femme aux multiples facettes qui suscite autant l'admiration que la controverse. Laquelle des Hillary prendra la parole ce soir? L'ex-première dame, l'ex-secrétaire d'État ou la future présidente des États-Unis?

La première dame

En 1992, devant un parterre rempli de femmes d'affaires américaines, Hillary Clinton avait déclaré qu'en votant pour son mari, les femmes auraient «deux alliés pour le prix d'un». Cette boutade annonçait une nouvelle manière de concevoir le rôle de première dame.

En effet, pour la première fois dans l'histoire, l'épouse d'un président obtenait un bureau dans le West Wing, là où se prennent les décisions à la Maison-Blanche. Hillary Clinton en menait large lors du premier mandat de Bill Clinton. Elle a entre autres piloté l'impossible dossier de la réforme du système de santé, un échec retentissant sur la feuille de route de cette talentueuse avocate diplômée de Yale et nommée deux fois parmi les 100 avocats les plus influents aux États-Unis.

Ambitieuse, Hillary a heurté plus d'une Américaine lorsqu'elle a déclaré: «Bien sûr, j'aurais pu décider de passer mes journées à faire des biscuits et à prendre le thé...» Elle parlait au nom des femmes de sa génération qui, comme elle, avaient choisi d'investir dans leur carrière. C'est toutefois pour un rôle plus traditionnel - celui de l'épouse trompée - que l'Histoire se souviendra d'elle durant ces années marquées au fer rouge par l'affaire Lewinsky.

La sénatrice

Est-ce pour se faire pardonner? Quand Bill Clinton a quitté la Maison-Blanche en 2001, il répétait à qui voulait l'entendre qu'Hillary était «bien meilleure que lui en politique». Chose certaine, le passage au Sénat de l'ex-première dame, de 2001 à 2008, a permis à Mme Clinton de se refaire une image, celle d'une politicienne studieuse et qui s'impliquait dans ses dossiers.

Pendant huit ans, la Sénatrice de l'État de New York, avec l'aide de son mari qui continuait à travailler en coulisses, a tissé sa toile et travaillé sa «marque». Hillary Clinton a siégé à plusieurs comités qui lui ont permis d'affirmer son image de «faucon» (elle a entre autres voté pour une présence américaine en Afghanistan et en Irak).

Elle a également soigné son côté plus humain en participant à des réflexions sur le vieillissement de la population et, surtout, en veillant sur l'état de santé physique et mental des premiers répondants à New York après le 11 septembre 2001. Habile politicienne, elle a cultivé ses relations du côté des démocrates et du côté des républicains.

La candidate

Après huit années passées au Sénat, Hillary Clinton s'est finalement lancée dans la course en 2008. La candidate a fait ses devoirs, Bill Clinton a travaillé fort sur le terrain pour soutenir la candidature de sa femme, mais ce fut insuffisant pour battre le très populaire Barack Obama. Ce n'est pas l'argent qui a manqué à l'organisation d'Hillary, mais plutôt une certaine cohérence dans son équipe. La presse américaine a décrit sa campagne comme étant chaotique et vitriolique. Son message n'a pas passé.

Quant à l'héritage de Bill Clinton, il lui a nui. L'idée que l'ancien président puisse revenir à Washington à titre de premier époux - «Imaginez Bill Clinton dans la Maison-Blanche avec du temps libre», disaient à la blague les animateurs de talk-shows de fin de soirée -, en a fait frémir plus d'un. Bûcheuse, Hillary Clinton n'a pourtant pas lâché le morceau malgré les obstacles et les commentaires souvent désobligeants sur ses tenues, sa coiffure et même le timbre de sa voix(!). La défaite fut amère et, bien qu'Hillary Clinton «ait provoqué 18 millions de craques dans le fameux plafond de verre», la sénatrice en est sortie meurtrie.

La secrétaire d'État

La campagne de 2008 a laissé des cicatrices et un véritable climat de guerre froide s'est installé entre l'entourage d'Hillary Clinton et l'équipe du nouveau président Barack Obama. Ce qui n'empêche pas ce dernier de proposer à son ancienne adversaire le prestigieux poste de secrétaire d'État. Hillary Clinton refusera plusieurs fois avant d'accepter, par sens du devoir.

Sage décision puisque ces quatre dernières années ont auréolé l'ex-première dame d'un prestige inégalé. À la fin de son mandat, sa cote de popularité dépassait largement celle du président Obama dans les sondages.

De 2009 à 2013, Hillary Clinton a sillonné la planète, établissant des liens privilégiés avec la plupart des dirigeants, mais, surtout, projetant une image de solide négociatrice capable de régler le sort du monde et de faire face aux pires crises. Membre du comité restreint qui a décidé d'attaquer (et d'éliminer) Oussama ben Laden, Hillary Clinton s'est bâti une crédibilité de leader pendant que son mari, encore lui, continuait à serrer des mains et à entretenir les contacts politiques du couple.

La candidate (bis)?

Ira-t-elle, oui ou non? Pas un jour sans que la presse américaine spécule sur l'avenir politique d'Hillary Clinton, qui aura 69 ans en 2016. Pendant que deux super PACS (political action committees) amassent des fonds au cas où, Hillary Clinton multiplie les apparitions (elle demande autour de 200 000 $ US pour une conférence, selon le New York Times) et continue d'alimenter la machine à rumeurs. «Can anyone stop Hillary?» demande le magazine TIME,alors que Forbes la place en cinquième position des femmes les plus puissantes sur la planète.

Lorsqu'elle a quitté Washington après avoir refusé l'offre du président Obama de prolonger son mandat, Hillary Clinton déclarait vouloir «dormir et passer plus de temps avec sa famille». Mais le livre HRC publié il y a quelques semaines par deux journalistes politiques américains montre bien que la machine Clinton tourne à plein régime. Hillary Clinton doit publier ses propres mémoires le 1er juin prochain, un retour sur ses années comme secrétaire d'État et ses réflexions sur les défis du XXIe siècle. L'occasion de lancer officiellement sa campagne? À suivre.

À lire dans le cahier Affaires: Hillary Clinton, la plus grosse prise de la chambre de commerce du Montréal métropolitain.