«Nous ne croyons pas que cela devrait être Est-Ouest, Russie-États-Unis. Ce n'est pas Rocky IV», a lancé le secrétaire d'État américain, John Kerry, en référence au film de 1985, dans lequel l'Américain Rocky Balboa affronte Ivan Drago, un terrifiant boxeur de l'Union soviétique. Alors que les troupes russes tenaient des exercices près de la frontière ukrainienne, hier, Kerry tentait de calmer les esprits. Trois raisons qui expliquent son analogie hollywoodienne.

1. Combat Est-Ouest

Tôt hier matin, une trentaine d'hommes armés de fusils automatiques et de lance-roquettes ont pris le contrôle du parlement de la péninsule de Crimée, une république autonome qui fait partie du territoire de l'Ukraine, habitée à 70% par des citoyens d'ethnie russe. «Vous avez un groupe armé qui vient de prendre le contrôle du parlement, et des sources du gouvernement qui disent avoir vu des blindés russes dans les rues en Crimée, explique Dominique Harel, titulaire de la chaire d'études ukrainiennes à l'Université d'Ottawa. C'est difficile de ne pas être inquiet.»

Hier, le secrétaire d'État américain John Kerry a dit avoir reçu l'assurance de son homologue russe Sergey Lavrov que la Russie n'était pas derrière l'assaut du parlement, toujours bouclé, et que les exercices menés par les troupes russes près de la frontière ukrainienne étaient planifiés depuis longtemps.

Bref, pour poursuivre l'analogie de Rocky IV employée par Kerry: le boxeur russe Ivan Drago frappe un sac de boxe et fait rouler ses pectoraux devant Rocky Balboa, mais cet entraînement intensif était prévu depuis longtemps.

2. Au-delà de la guerre froide

Dans son entrevue à la chaine MSNBC, Kerry a lancé: «Nous souhaitons que la Russie ne voie pas cela comme une continuation de la guerre froide. Nous ne le voyons pas ainsi.» D'où son analogie avec Rocky IV, un film qui misait sur la peur inspirée aux Américains par les Russes à l'époque de la guerre froide.

Pour le politologue Sergiy Kudelia, de l'Université Baylor, au Texas, les États-Unis n'ont pas de «levier» pour faire bouger Poutine.

«Si Washington avait le pouvoir de persuader Poutine, ce dernier aurait depuis longtemps cessé de supporter le régime syrien, dit M. Kudelia en entrevue. Poutine fait ce qu'il veut, surtout dans les zones près de la frontière russe, et Washington n'y peut rien.»

Pour Dominique Harel, les tensions en Crimée ne doivent pas être vues sous l'angle de la guerre froide, mais plutôt sous l'angle de la série de conflits qui ont vu le jour depuis l'effondrement de l'Union soviétique, comme en Ossétie du Sud, en 2008. «Mais quand les troupes russes ont envahi l'Ossétie du Sud, il y avait déjà des combats contre l'armée géorgienne. En Ukraine, il n'y a pas de situation de combats actuellement. Pour la Russie, c'est plus délicat d'intervenir.»

3. Le Kremlin «pas rassurant»

Le fait que le Kremlin refuse de reconnaître la légitimité du nouveau gouvernement ukrainien est inquiétant, note Dominique Harel. «Moscou estime que l'Ukraine vient de vivre un coup d'État fomenté par des fascistes. Aux yeux du Kremlin, le nouveau gouvernement n'est pas légitime. Tout ça, pendant que des groupes armés pro-Russes prennent d'assaut le siège du gouvernement de Crimée. Ce n'est pas rassurant.»

Pour Sergiy Kudelia, Viktor Ianoukovitch a peut-être été chassé de Kiev, mais pour Moscou, il est toujours le président légitime d'Ukraine. Ianoukovitch pourrait demander à la Russie de l'aider à reprendre le pouvoir. «Moscou aurait ainsi la voie libre pour occuper militairement l'Ukraine dans une «intervention humanitaire» demandée par Ianoukovitch», dit-il.

Mardi, John Kerry a semblé évoquer cette possibilité quand il a déclaré: «Les États-Unis ne cherchent pas une confrontation. Mais nous énonçons clairement que chaque pays devrait respecter l'intégrité territoriale, la souveraineté de l'Ukraine. La Russie s'est engagée à le faire, et nous croyons qu'il est important que la Russie tienne parole.»

Ici, Kerry semble se faire porteur du message d'espoir lancé par Rocky à la foule russe à la fin de son combat victorieux contre Ivan Drago: «Je crois que ce que j'essaie de dire, c'est que si je peux changer, et que vous pouvez changer, tout le monde peut changer.»