Le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, en visite officielle à Washington, a demandé mercredi au président Barack Obama la fin des frappes de drones menées par les États-Unis dans son pays, un contentieux de longue date.

À l'issue d'une réunion dans le cadre solennel du Bureau ovale, M. Sharif a dit aux journalistes avoir «évoqué la question des drones (...) en insistant sur la nécessité de mettre fin à de telles frappes».

Le président américain n'a de son côté pas spécifiquement mentionné ce sujet face aux reporters, mais une déclaration commune diffusée après la réunion a affirmé que les relations entre les deux pays étaient «fondées sur les principes du respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale».

Il s'agissait de la première rencontre entre MM. Obama et Sharif depuis que ce dernier, vétéran de la scène politique pakistanaise, a reconquis le pouvoir à la fin du printemps dernier, 14 ans après avoir été renversé par un coup d'État militaire.

Le Pakistan, voisin de l'Afghanistan, s'est révélé un allié parfois réticent des États-Unis dans leur lutte contre les extrémistes islamistes depuis les attentats du 11-Septembre.

Les relations entre Washington et Islamabad ont connu une crise particulièrement grave après la mort dans un raid américain en mai 2011 du chef d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden, qui vivait caché en territoire pakistanais.

Ces liens restent en outre empoisonnés par la question des drones. Depuis 2004, entre 2000 et 4700 personnes, dont des centaines de civils, selon différentes évaluations, ont été tuées par plus de 300 tirs d'aéronefs américains sans pilote dans les zones tribales du nord-ouest pakistanais.

Mené par la centrale du renseignement (CIA), ce programme de frappes clandestines a longtemps fait figure de secret de Polichinelle, et le président Obama lui-même a fini par en reconnaître officiellement l'existence.

L'après-2014 en Afghanistan

M. Sharif avait déjà rappelé mardi lors d'une allocution à Washington qu'une conférence inter-partis au Pakistan avait conclu que «l'usage de drones était non seulement une violation de la souveraineté» du pays, «mais qu'il se faisait aussi au détriment» des efforts pakistanais de lutte contre le terrorisme.

Egalement mardi, Amnesty International avait publié un rapport très critique sur le recours aux drones par les États-Unis, jugeant que Washington s'arrogeait ainsi un «droit de tuer supérieur aux tribunaux et aux normes fondamentales du droit international».

L'ONG avait aussi critiqué «l'ambiguïté» du Pakistan qui considère officiellement ces frappes comme des violations de sa souveraineté, mais juge en privé plusieurs d'entre elles «utiles» selon elle.

Le Washington Post est allé dans le même sens en publiant mercredi soir un article où il affirme sur la foi de documents secrets qu'Islamabad soutient en sous-main les frappes de drones, même s'il s'y oppose publiquement. Selon le journal, au moins une frappe aurait même été faite «à la demande» du gouvernement pakistanais.

La Maison Blanche avait répliqué à Amnesty International en assurant que «les opérations antiterroristes américaines sont précises, elles sont légales et efficaces».

Mercredi, M. Obama a noté que «le Premier ministre s'est engagé clairement à essayer de réduire les effets du terrorisme sur le Pakistan», un pays qui a «souffert» de telles violences, a-t-il rappelé.

Concernant l'Afghanistan voisin, d'où doivent partir 87 000 soldats de l'OTAN d'ici à la fin 2014, M. Obama a promis d'oeuvrer à un accord avec Kaboul sur la présence américaine après cette échéance qui satisferait aussi le Pakistan.

Il a assuré être «confiant» dans la conclusion prochaine d'un accord avec les autorités afghanes, qui «sera non seulement bon pour l'Afghanistan, mais protègera aussi le Pakistan à long terme».

Au lendemain de l'annonce du déblocage par Washington de 1,6 milliard de dollars d'aide au Pakistan, M. Obama a en outre pris note des réformes économiques lancées par son hôte. «Je salue le Premier ministre pour certaines des réformes qu'il a entreprises, toutes ne sont pas faciles», a-t-il dit.