Que se passera-t-il à partir du 17 octobre, date à laquelle le gouvernement des États-Unis ne pourra plus honorer ses engagements financiers, selon le Trésor américain, faute d'un accord sur le relèvement de la limite légale de la dette publique?

La réponse de Christine Lagarde, directrice du Fonds monétaire international, n'a rien de rassurant. «S'il y avait un tel niveau de perturbation, de manque de certitude, de manque de confiance dans la signature des États-Unis, cela impliquerait des perturbations massives dans le monde entier», a-t-elle dit hier à l'émission Meet the Press de NBC.

Cette analyse rejoint celle du secrétaire américain au Trésor, Jack Lew, et de plusieurs autres experts des milieux de la finance et des affaires. Le célèbre investisseur Warren Buffett a sans doute évoqué le scénario le plus catastrophique en assimilant cette perspective à l'utilisation d'«une couple de bombes atomiques».

Mais, aussi alarmistes soient-elles, ces prédictions sont rejetées par un nombre croissant d'élus républicains, qui utilisent néanmoins l'échéance du 17 octobre pour arracher des concessions aux démocrates. Ces nouveaux négationnistes sont parfois les mêmes qui nient l'hypothèse d'une responsabilité humaine aux bouleversements climatiques.

«Personnellement, je crois que cela apporterait la stabilité aux marchés mondiaux», a déclaré le représentant républicain de Floride, Ted Yoho, élu en novembre 2012 sous la bannière du mouvement populiste de droite Tea Party.

Selon ce vétérinaire de profession, un refus du Congrès de relever la limite de la dette, actuellement d'environ 16 700 milliards, convaincrait le monde que les États-Unis ont enfin décidé d'attaquer de front leur problème d'endettement.

Le sénateur républicain du Kentucky, Rand Paul, candidat potentiel à la présidence en 2016, tient le même discours. «Si vous ne relevez pas le plafond de la dette, tout ce que vous dites c'est nous allons équilibrer notre budget», a déclaré cet autre élu issu du Tea Party.

Comme Ted Yoho et d'autres républicains du Congrès, Rand Paul ne croit pas en la possibilité d'un défaut de paiement de la dette à partir du 17 octobre. Il estime que les rentrées fiscales du gouvernement américain suffiraient au paiement des intérêts de la dette, et ce, même si l'État fédéral n'est plus en mesure d'emprunter.

«Nous ne nous retrouverons pas en défaut de paiement. Mais cela ne veut pas dire que nous devons payer chaque facture le jour où celle-ci arrive», a déclaré de son côté le représentant républicain du Texas, Joe Barton.

Les opinions de ces négationnistes pèsent lourd dans le désaccord actuel sur le plafond de la dette, qui s'ajoute au blocage budgétaire responsable de la fermeture partielle ou totale des services fédéraux depuis le 1er octobre.

Les deux crises ont fait l'objet hier de discussions entre les chefs de file démocrates et républicains du Sénat. Ces discussions sont survenues 24 heures après le constat d'une impasse à la Chambre des représentants, où la proposition républicaine de repousser de quelques semaines seulement l'échéance du plafond de la dette a été rejetée par la Maison-Blanche.

«Nous devons trouver un compromis, mais nous ne le ferons pas tant que les services fédéraux n'auront pas rouvert et que nous ne pourrons pas assurer un financement», a déclaré le chef de la majorité démocrate du Sénat, Harry Reid.

En attendant, le négationnisme sur le défaut de paiement peut servir d'illustration à l'espèce de bulle étanche dans laquelle plusieurs républicains semblent vivre. Une bulle qui leur permet de rejeter en bloc les politiques susceptibles de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une bulle qui a permis à plusieurs d'entre eux à croire en la victoire certaine de Mitt Romney lors de l'élection présidentielle.

Tous les républicains ne font évidemment pas partie des négationnistes. Des économistes associés à leur parti ont mis en garde les élus du Congrès contre la tentation d'ignorer les risques d'un refus de relever le plafond de la dette.

«Cela signalerait que nous sommes incapables en tant que nation de maîtriser notre processus budgétaire», a déclaré Glenn Hubbard, principal conseiller économique de George W. Bush entre 2001 et 2003, qui craint pour la crédibilité et la croissance de l'économie américaine.

La position des négationnistes du défaut de paiement repose en outre sur un paradoxe confondant. Ces républicains manifestent toujours la plus grande méfiance à l'égard du gouvernement. Or, ils sont aujourd'hui persuadés que les bureaucrates du Trésor sauront éviter aux États-Unis les nombreux écueils qu'un refus sans précédent de relever le plafond de la dette ferait surgir devant eux.