Une prise d'otages. C'est ce à quoi les Américains assistent ces jours-ci, impuissants, en direct de Washington.

Il n'y a pas de meilleure image pour illustrer le chantage exercé par les militants purs et durs du Parti républicain. Ils ont pris la population américaine en otage en paralysant le gouvernement dans le but de torpiller la réforme du système de santé de Barack Obama.

Mais ces militants, souvent associés au mouvement du Tea Party, ont aussi pris leur propre parti en otage. Rares sont ceux, parmi les républicains, qui osent les défier. Car désobéir à l'aile radicale du parti représente la plupart du temps un suicide politique.

Plusieurs républicains qui siégeaient au Congrès ont été jugés trop modérés par les plus conservateurs. Des campagnes fort bien financées par des mécènes radicaux ont alors été menées contre ces brebis égarées dans le but de mettre fin à leur carrière politique. Avec succès. Ils ont été remplacés par des ultraconservateurs.

Bref, les militants du Tea Party se comportent comme des fiers-à-bras dans une cour d'école. Ils font régner la terreur. Si vous n'êtes pas jugé assez "pur" idéologiquement, ils vous font comprendre fort peu subtilement que vous êtes assis sur un siège éjectable.

Survie politique

L'un des grands acteurs de l'altercation actuelle, le président républicain de la Chambre des représentants John Boehner, n'est pas à l'abri de cette menace. Les conservateurs purs et durs le tiennent par les couilles. S'il met de l'eau dans son vin, on l'accusera d'avoir hissé le drapeau blanc.

S'il veut à tout prix «arrêter la loi du président sur la santé», comme il l'a déclaré, ce n'est donc pas seulement parce que la réforme d'Obama lui fait faire des cauchemars. Il s'agit aussi d'une question de survie politique. Comme pour plusieurs de ses collègues.

Depuis la défaite de Mitt Romney aux mains de Barack Obama en novembre 2012, les nouveaux héros du Parti républicain donnent dans la surenchère à savoir qui est le plus conservateur d'entre tous les conservateurs.

L'une de ces vedettes est le sénateur texan Ted Cruz. Il a récemment prononcé un discours de près de 21 heures au Congrès pour dénoncer la réforme du système de santé. Il a alors tracé un parallèle plus que douteux entre la loi actuelle et le nazisme en Europe à l'époque d'Hitler.

Pacte avec le diable

Car il y a une autre réalité qui aide à comprendre pourquoi les républicains prennent le risque de déstabiliser leur pays ces jours-ci. Pour une majorité d'entre eux, l'entrée en vigueur de la réforme de la santé (surnommée Obamacare) représente ni plus ni moins qu'un pacte avec le diable fait par le président.

Je ne compte plus le nombre de républicains rencontrés lors de reportages au cours des dernières années aux États-Unis qui, sitôt le sujet de la réforme abordé, grimpaient dans les rideaux.

En Floride, un militant m'avait même prévenu - avec le plus grand sérieux - des dangers de la législation, affirmant qu'il s'agissait du «premier acte de tyrannie depuis la Révolution américaine».

Hillary à la présidence

À peu près tous les observateurs en sol américain estiment, sondages à l'appui, que ce coup d'éclat des républicains fera perdre des plumes à leur parti. Qu'il permettra à Obama, à court terme, de redorer son blason. À l'exemple de Bill Clinton en 1996, à l'issue d'une pareille offensive républicaine.

La situation est peut-être encore plus inquiétante à long terme pour les républicains. Du côté démocrate, Hillary Clinton a admis il y a une dizaine de jours qu'elle rêve encore à la présidence. Avec leur fâcheuse manie de se tirer dans le pied, les républicains pourraient permettre à ce rêve de devenir réalité en 2016.