Les responsables militaires américains se sont montrés réticents mardi aux propositions visant à rendre la justice militaire indépendante de leur autorité dans les cas d'agressions sexuelles, mais ils ont promis un changement de culture dans leurs rangs.

Assis en uniformes le long d'une immense table d'une salle d'audition du Sénat américain, 20 chefs militaires devaient subir pendant plusieurs heures un interrogatoire musclé de la part des sénateurs, consternés par la recrudescence des viols, agressions et harcèlements sexuels dans l'armée.

«Nous ne pouvons pas régler ce problème sans un changement de culture au sein de l'armée», a déclaré Carl Levin, président démocrate de la commission de la Défense, jugeant indispensable d'établir «une politique de tolérance zéro contre les délits sexuels».

«Nous agissons rapidement et délibérément pour changer une atmosphère devenue trop complaisante», lui a répondu le chef d'état-major interarmées, le général Martin Dempsey.

Mais «le rôle du commandant doit rester central», a-t-il averti. «Notre but devrait être de rendre les commandants plus responsables, et non de les rendre moins capables de corriger cette crise. La responsabilité du commandant pour préserver l'ordre et la discipline est essentielle».

Le patron de l'armée de Terre, le général Ray Odierno, a énuméré les mesures mises en place depuis deux ans, comme une formation pour que les officiers rapportent toute plainte à leurs supérieurs. Et il a insisté pour que l'autorité militaire du commandant d'une base reste incontestable.

«La majorité des problèmes constatés ne sont pas le fruit de la faillite de notre système de justice militaire, mais plutôt celui de l'incapacité de quelques commandants et responsables à gérer correctement ce système», a-t-il déclaré.

«Sans équivoque, je crois que le maintien du rôle central du commandant au sein du système judiciaire militaire est absolument crucial», a mis en garde le général.

L'armée minée par une accumulation d'affaires

Plusieurs affaires récentes ont porté le problème à la Une de l'actualité aux États-Unis.

Un général de l'armée de l'air a annulé au début de l'année un jugement contre un officier qui avait été condamné pour agression sexuelle. Le mois dernier, un officier de l'armée de l'air chargé de la prévention contre les violences sexuelles avait été interpellé en état d'ébriété après avoir agressé sexuellement une femme.

Et récemment, trois joueurs de football de l'académie navale d'Annapolis ont été accusés de viol par une soldate.

Pas moins de sept projets de réforme ont été déposés au Sénat.

Une mesure empêcherait un commandant militaire de modifier ou annuler le jugement d'une cour martiale. Une autre rendrait systématique l'attribution d'un avocat spécialisé pour les victimes d'agressions sexuelles, une mesure déjà testée depuis janvier au sein de l'armée de l'air. Un autre texte irait plus loin en créant une autorité judiciaire indépendante de la chaîne de commandement pour déterminer la suite à donner à une affaire.

«Vous avez perdu la confiance des hommes et des femmes qui comptent sur vous», a tancé la démocrate Kirsten Gillibrand. «Ils ont peur de porter plainte, ils pensent que cela mettra fin à leurs carrières».

«Il y a encore des commandants qui ne savent pas faire la distinction entre une tape sur les fesses et une agression sexuelle», a-t-elle justifié, en rappelant qu'Israël, l'Australie et le Royaume-Uni avaient mené des réformes similaires.

Le républicain James Inhofe a toutefois freiné les ardeurs de ses collègues démocrates. «Nous ne pouvons pas abolir les agressions sexuelles en votant des lois», a-t-il mis en garde.

«Nous devons donner à nos responsables militaires l'occasion de mettre en place les changements votés récemment et de contrôler leur efficacité», a-t-il demandé, en référence à 10 mesures votées en décembre contre les violences sexuelles.

Un rapport du Pentagone a montré une augmentation de 6 % des agressions sexuelles en un an, à 3374 cas en 2012, un chiffre certainement sous-estimé, selon les auteurs.