Washington a reconnu pour la première fois mercredi avoir tué l'imam Anwar Al-Aulaqi ainsi que trois autres ressortissants américains depuis 2009, dans un souci autoproclamé de «transparence» sur sa lutte antiterroriste à la veille d'un discours très attendu de Barack Obama.

Dans une lettre envoyée au Congrès, le ministre de la Justice Eric Holder a admis que Washington était à l'origine de la mort de l'imam radical au Yémen en septembre 2011. Les trois autres, dont le fils d'Aulaqi, n'étaient pas «spécifiquement visés», a-t-il précisé.

«Depuis 2009, les États unis, en menant des opérations d'antiterrorisme contre Al-Qaïda et ses forces associées hors du théâtre d'hostilités, ont spécifiquement visé et tué un ressortissant américain, Anwar Al-Aulaqi», a écrit M. Holder dans cette lettre dont l'AFP a obtenu une copie.

Aulaqi, né aux États-Unis dans une famille yéménite, avait été tué dans un bombardement de drone au Yémen. Deux autres Américains avaient été abattus dans les mêmes circonstances: son propre fils de 16 ans, Abderrahmane Al-Aulaqi, et Samir Khan, propagandiste en anglais d'Al-Qaïda.

Aulaqi était accusé par Washington d'être l'idéologue de la branche d'Al-Qaïda au Yémen, et d'avoir été impliqué dans une série de tentatives d'attentats, dont celle menée contre un avion américain le jour de Noël 2009 par un jeune Nigérian qui avait caché des explosifs dans ses sous-vêtements.

Le quatrième Américain tué à l'étranger par les États-Unis a été identifié par M. Holder sous le nom de Jude Kenan Mohammed, qui selon le FBI, est né fin 1988 en Floride et se trouverait au Pakistan.

La fiche de recherche du FBI ne fait pas mention de son décès et indique qu'il est recherché pour «association de malfaiteurs en vue d'apporter un soutien matériel à des terroristes».

Argumentaire prêt

La mort d'Aulaqi avait été qualifiée par le président Obama de «coup très dur à la branche la plus active d'Al-Qaïda». Mais l'administration n'avait jamais formellement reconnu qu'elle était à l'origine de sa mort, même si cela ne faisait aucun doute.

Le ministère de la Justice, confronté aux critiques d'associations de défense des droits de l'homme, a affirmé avoir élaboré un argumentaire encadrant de telles éliminations d'Américains à l'étranger, qui entrent en conflit avec le droit à bénéficier d'une procédure judiciaire disposé par la Constitution.

L'annonce de M. Holder intervient à la veille d'un discours de M. Obama sur la stratégie antiterroriste des États-Unis, jeudi à Washington, et illustre le souhait des États-Unis de «parvenir à une plus grande transparence» sur les opérations antiterroristes du pays, selon un responsable de la Maison-Blanche.

Selon ce responsable s'exprimant sous couvert d'anonymat, le président va évoquer la stratégie antiterroriste des États-Unis «au sens large», dont «la politique et le raisonnement juridique sur le recours à la force ciblée contre Al-Qaïda et ses associés».

Utilisés dans une «guerre secrète» de grande envergure contre les extrémistes islamistes présumés dans plusieurs pays, les drones sont de plus en plus controversés, notamment au Pakistan où le prochain Premier ministre Nawaz Sharif les a qualifiés de «défi à notre souveraineté».

Selon un bilan de l'Association britannique du journalisme d'enquête, les attaques de drones organisées par la centrale américaine du renseignement (CIA) rien qu'au Pakistan ont fait 3.577 morts depuis 2004, dont 884 civils.

Guantanamo (Cuba) devrait également être mentionnée jeudi par M. Obama, qui a récemment promis de redoubler d'efforts pour obtenir la fermeture de cette prison militaire où un nombre croissant de détenus sont en grève de la faim, une vieille promesse de campagne qui a jusqu'ici été torpillée par le Congrès.

Le Wall Street Journal, citant des responsables de l'administration, a affirmé mercredi soir que M. Obama allait donner jeudi le signal d'une reprise des transferts de détenus vers des pays tiers, qui se sont ralentis au point qu'aucun n'a eu lieu en 2013. En particulier, le gel des transferts vers le Yémen devrait être annulé «dans les prochaines semaines», selon le quotidien.

Interrogée par l'AFP, la Maison-Blanche n'a pas confirmé ces informations.