Longtemps critiquée pour avoir eu «tout faux» sur les armes de destruction massive en Irak, la puissante agence américaine de renseignement, la CIA, tente de tirer les leçons de ce fiasco et passe aujourd'hui un nouveau test: évaluer le programme nucléaire iranien.

Dans les mois qui précédèrent le renversement de Saddam Hussein il y a dix ans, la CIA et les autres services américains jugeaient que le régime irakien était en passe d'obtenir l'arme nucléaire et disposait de stocks d'armes chimiques et biologiques.

Leurs conclusions allaient dans le même sens que la conviction de la Maison Blanche: Saddam Hussein représentait une menace et devait être chassé du  pouvoir par la force.

Au final, la communauté américaine du renseignement a eu «tout faux dans presque tous ses jugements d'avant-guerre sur les armes de destruction massive de l'Irak», dénonce le rapport officiel d'enquête Silberman-Robb.

Les informations collectées n'étaient pas solides, les analyses bâclées et les conclusions fondées sur des hypothèses erronées et non des preuves. Le résultat a été «l'une des faillites du renseignement les plus connues et les plus préjudiciables de l'histoire américaine récente», affirme ce rapport de 2005.

Quand les Américains n'ont rien trouvé une fois l'Irak occupé le 20 mars 2003, le casus belli de Washington s'est révélé sans fondement et l'indignation internationale a atteint des sommets.

«Cela nous a causé un préjudice durable», explique Brian Jenkins, expert à la Rand Corporation. «Cela a considérablement sapé la crédibilité du renseignement américain dans ces domaines».

Dix ans après cette humiliation, les 16 agences de renseignement du pays ont cherché à renforcer leurs capacités de recueil des informations et mis en place des procédures de vérification de leur travail d'analyse, plaident d'anciens responsables de la CIA.

«On en a tiré les leçons», note ainsi Paul Pillar, ancien analyste de la CIA pour le Moyen-Orient aujourd'hui professeur à l'Université Georgetown.

«Campagne de promotion»

Pour certains anciens espions et législateurs, la communauté du renseignement n'est pas seule en cause. Les proches de George W. Bush avaient leur idée toute faite, quoi que rapportent les services de renseignement.

«Affirmer que tout le processus a été imperméable au climat politique n'est tout simplement pas crédible», estime Paul Pillar. «Ils n'utilisaient quasiment pas les renseignements sauf comme des bribes d'information pour soutenir une campagne de promotion» de la guerre.

Les enquêtes officielles ont conclu que l'action des renseignements n'avait pas été politisée, mais cette question reste encore l'objet d'un intense débat.

Dix ans plus tard, les États-Unis sont à nouveau sur les traces d'un autre éventuel programme nucléaire militaire, en Iran, où cette fois les inspecteurs de l'ONU ont trouvé de nombreuses preuves d'un ambitieux programme d'enrichissement d'uranium.

Les agences de renseignement, qui estiment que Téhéran n'a pas encore pris sa décision de fabriquer ou non une arme nucléaire, font face à un problème déjà rencontré en Irak: discerner les intentions des autorités iraniennes qui nient vouloir se doter de l'arme atomique.

Quant aux perspectives de frappes aériennes préventives, la pression monte sur la CIA pour qu'elle établisse des estimations précises sur l'état d'avancement du programme iranien.

Selon les analystes, la tâche est ardue, car le régime iranien a tout intérêt à exagérer l'état d'avancement du programme pour décourager toute frappe aérienne.

Pour Paul Pillar, «la malheureuse expérience de l'Irak continue sans aucun doute de peser lourdement sur les esprits de tous ceux qui travaillent aujourd'hui sur le programme nucléaire iranien».