Tariq Aziz, un adolescent originaire des zones tribales pakistanaises, s'est rendu en octobre 2011 dans la capitale du pays, Islamabad, pour participer à un sommet inusité.

Des dizaines de personnes étaient réunies à cette occasion pour témoigner des dommages causés par les frappes de drones américaines au Waziristan du Nord, une région isolée et difficile d'accès à proximité de la frontière afghane.

Le garçon de 16 ans, qui avait perdu un cousin lors d'une attaque de ce type, a écouté tranquillement les intervenants sans attirer l'attention outre mesure. Quelques jours plus tard, il était mort à son tour, happé par une nouvelle frappe de drone ayant aussi tué un enfant de 12 ans.

Sa famille a décrié sa mort, arguant qu'il n'était rien de plus qu'un «enfant normal qui aimait le soccer.»

Pratap Chatterjee, un journaliste et activiste présent lors du sommet d'Islamabad, ne comprend pas pourquoi Tariq Aziz a été pris pour cible. Il ne croit pas un instant l'affirmation, relayée par un porte-parole anonyme de la CIA, qu'il s'agissait d'un «terroriste».

Selon lui, aucun militant dangereux lié aux talibans ou à Al-Qaïda n'aurait accepté de participer à une rencontre publique dans la capitale en compagnie d'activistes, d'avocats et de représentants des médias.

L'organisation anglaise Reprieve, qui était présente, précise que le jeune homme s'est porté candidat lors de la rencontre pour documenter, par photo, les frappes de drones.

«On lui avait dit de réfléchir et de nous recontacter», souligne une avocate spécialisée sur la question des drones, Jennifer Gibson, qui ne peut dire si les échanges à ce sujet ont joué un rôle dans la décision américaine de le cibler.

Si les services de renseignements avaient de sérieuses inquiétudes relativement à l'adolescent, ils auraient pu tenter de prendre contact avec lui pendant son séjour dans la capitale, voire même le faire arrêter, estime-t-elle.

M. Chatterjee pense que la mort de Tariq Aziz témoigne d'une «incroyable incompétence» de la part de la CIA. «Ils tuent des personnes en déclarant qu'elles constituent des menaces mais dans les faits, ils ne le savent pas vraiment», juge-t-il.

Les ratés des services de renseignements sont d'autant plus dramatiques qu'ils ont des conséquences irrémédiables. «C'est la peine de mort sans procès», dénonce-t-il.