Le président Thein Sein, auréolé des profondes réformes politiques qu'il a engagées, a quitté la Birmanie lundi pour une visite historique aux États-Unis, un voyage qui coïncide avec celui de l'opposante Aung San Suu Kyi, accueillie la semaine dernière avec tous les honneurs.        

L'ancien général, qui dirige le pays depuis la dissolution de la junte en mars 2011, doit se rendre à l'Assemblée générale de l'ONU à New York et rencontrer des responsables américains, même si aucune discussion avec le président Barack Obama n'a été annoncée pour l'instant.

« Le voyage va ouvrir un nouveau chapitre avec la communauté internationale », a commenté lundi Zaw Htay, un responsable du bureau présidentiel. « Il doit expliquer le processus de réformes du pays, ce que le gouvernement a fait et ce qu'il va faire », a-t-il ajouté, précisant qu'il rencontrerait la secrétaire d'État Hillary Clinton.

Depuis un an et demi, le gouvernement « civil » de Thein Sein a notamment libéré des centaines de prisonniers politiques et signé des cessez-le-feu avec plusieurs groupes rebelles des minorités ethniques.

Il a également permis le retour au coeur du jeu politique de Suu Kyi, après quinze années en résidence surveillée.

La lauréate du prix Nobel de la paix, députée depuis avril et désormais libre de ses mouvements, a entamé la semaine dernière une tournée triomphale aux États-Unis où elle s'est entretenue avec Obama dans le célèbre bureau ovale.

Le centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) de Washington a plaidé pour que le président Obama rencontre aussi son homologue birman afin de ne pas minimiser son « rôle courageux » dans les réformes.

Mais même si rien de tel n'est prévu, Thein Sein, qui se rend pour la première fois aux États-Unis en tant que chef d'État, n'a pas d'autre choix que d'accepter d'être moins bien traité que la chef de l'opposition, estiment d'autres experts.

« Même si Suu Kyi a été reçue avec le tapis rouge, Thein Sein doit aller aux États-Unis parce qu'il y a beaucoup en jeu. La Birmanie veut désespérément la levée des sanctions américaines », souligne Pavin Chachavalpongpun, de l'Université de Kyoto.

Washington a mis fin à la plupart des restrictions sur ses investissements en Birmanie, y compris dans le gaz et le pétrole. Un nouvel ambassadeur est en poste depuis juillet, une première depuis 22 ans, et Thein Sein a été retiré de la liste noire des personnalités du pays faisant l'objet de sanctions.

Mais le Congrès a prolongé l'embargo sur les importations birmanes.

La semaine dernière, le régime de Naypyidaw a libéré une nouvelle vague de prisonniers politiques dont pourra se faire valoir Thein Sein. Human Rights Watch avait jugé cette décision « programmée » pour que le président arrive avec « une bonne nouvelle » aux États-Unis.

Il est pourtant sans doute trop tôt pour espérer une levée complète des sanctions. Notamment parce que, selon Pavin, les Américains « veulent garder certaines cartes comme monnaie d'échange ».

Ils réclament en particulier la libération de tous les prisonniers politiques et la fin des violences contre les minorités ethniques.

Thein Sein devra à cet égard s'expliquer sur l'échec des négociations avec les Kachins, dans l'extrême nord du pays, et sur le sort réservé aux Rohingyas, une minorité musulmane apatride au coeur de violences communautaires qui ont fait des dizaines de morts depuis juin, dans l'ouest.

Il est notamment accompagné par deux hommes-clés des négociations de paix, le ministre aux Affaires frontalières le général Thein Htay, et le ministre de l'Immigration Khin Yi.