Quatre ans presque jour pour jour après avoir tranché en faveur des prisonniers de Guantanamo, la Cour suprême des États-Unis a refusé lundi de se saisir des recours de sept hommes contestant leur détention dans la prison dont Barack Obama avait promis la fermeture.

Le 12 juin 2008, la plus haute juridiction du pays avait pris, dans l'affaire «Boumediene contre Bush», l'une de ses plus importantes décisions dans la guerre du gouvernement américain contre le terrorisme. Elle avait autorisé les détenus de la prison controversée de Guantanamo à contester la légalité de leur détention lorsqu'ils ne sont pas inculpés et à réclamer leur libération devant la justice fédérale.

Mais lundi, la Cour suprême a décidé, à la veille du 4e anniversaire de cette décision majeure, de faire l'impasse sur sept nouveaux recours de prisonniers qui contestaient la légalité de leur détention à Guantanamo.

Elle a rejeté, sans le moindre commentaire, les appels des détenus Latif, Al-Bihani, Uthman, Almerfedi, Al-Kandari, Al-Madhouani et Aloui, tous arrêtés sur le soupçon d'appartenir à l'organisation terroriste Al-Qaïda et détenus depuis plusieurs années sans inculpation.

Dans leurs appels, les détenus contestaient le refus d'une cour d'appel américaine de leur accorder le droit de contester leur détention. Dans les sept cas, le gouvernement américain avait appelé la Cour suprême à rejeter ces recours.

«La Cour suprême confirme ici avec force qu'elle ne souhaite pas se prononcer davantage sur la politique de détention du gouvernement», a commenté Lyle Denniston, expert de la haute Cour sur le site Scotusblog.com.

C'est «la seconde session (annuelle) consécutive où la Cour suprême refuse d'entendre les affaires de Guantanamo», a observé l'analyste, précisant que «la conséquence concrète» de cette décision est que la cour d'appel de Washington fonctionnera «désormais comme le tribunal du dernier ressort pour les 169 étrangers encore à la prison américaine de Cuba».

Entre les mains d'une cour hostile

«La Cour abandonne sa promesse formulée dans son propre jugement», a fustigé pour sa part le Centre pour les droits constitutionnels (CCR), dont des avocats défendent plusieurs détenus de Guantanamo.

«Cette décision laisse le sort des détenus entre les mains d'une cour d'appel de Washington hostile, qui a levé des barrières juridiques innombrables et injustifiées, rendant presque impossible pour un détenu de gagner», estime aussi le CCR, dans un communiqué.

«La cour de Washington s'est montrée acharnée dans son déni des droits des détenus de Guantanamo et maintenant la Cour suprême lui laisse les rênes pour continuer sur cette voie», a déclaré à l'AFP Adam Thurschwell, avocat conseil sur les affaires de Guantanamo.

La cour d'appel de Washington, dont dépend juridiquement Guantanamo, n'a ordonné la libération d'aucun détenu de cette prison, malgré les nombreuses plaintes, et certains de ses juges ont ouvertement critiqué la décision «Boumediene contre Bush».

Si «aucune de ces actions n'empêche la haute Cour de se saisir de futurs dossiers de Guantanamo, il est difficile d'imaginer quel type de problème les sages vont maintenant considérer valables pour y passer leur temps», a encore estimé M. Denniston.

«Cela ne signifie pas nécessairement qu'elle se montrera aussi désintéressée par des affaires (sur la légalité) des tribunaux militaires d'exception», a observé Me Thurschwell.

Le CCR a appelé le président Obama à «honorer sa promesse de fermer Guantanamo, la prison la plus tristement célèbre du monde», et à commencer par libérer 87 détenus qui ont été jugés «libérables» par les autorités militaires.

Barack Obama n'a jamais été en mesure de mettre en oeuvre son engagement et 169 hommes restent incarcérés à Guantanamo, dont seulement quinze ont été inculpés ou jugés devant des tribunaux militaires d'exception.