Et si le Parti républicain misait sur un candidat noir pour évincer Barack Obama de la Maison-Blanche?

Certes, un tel scénario paraît invraisemblable, et ce, même après l'élection du premier président de couleur. Après tout, la place des Noirs demeure négligeable chez les républicains, qui comptent seulement deux élus afro-américains au Congrès.

Mais un nombre croissant d'électeurs de ce parti envisagent de voter pour Herman Cain, un homme d'affaires de 65 ans qui se définit comme un «Américain, conservateur et Noir». Selon un sondage Fox News diffusé la semaine dernière, ce favori du Tea Party a triplé son score en l'espace d'un seul mois, passant de 6% à 17% d'appuis chez les républicains susceptibles de participer aux primaires pour désigner le candidat présidentiel de leur parti en 2012. Il n'est plus qu'à six points du meneur, l'ancien gouverneur du Massachusetts Mitt Romney, et à deux points du détenteur de la deuxième place, le gouverneur du Texas Rick Perry, dont la campagne est en perte de vitesse.

Et ce n'est pas tout: quelques jours avant la publication de ce sondage, Herman Cain avait remporté, à la surprise générale, un vote test organisé en Floride en vue de l'investiture républicaine pour la présidence. Il avait recueilli 37% des 2657 voix des militants républicains ayant participé à ce «scrutin de paille» (straw poll), devançant Rick Perry et Mitt Romney, qui avaient obtenu respectivement 15% et 14% des voix.

Même si ce vote n'a qu'une valeur symbolique, plusieurs de ses vainqueurs ont, dans le passé, remporté l'investiture républicaine par la suite: Ronald Reagan en 1979, George Bush père en 1987 et Bob Dole en 1995.

Saveur de la semaine?

Il est donc temps de faire plus ample connaissance avec Herman Cain, au cas où il ne serait pas seulement la «saveur de la semaine», comme l'a méchamment affirmé la semaine dernière Sarah Palin, qui envie peut-être son succès.

Né à Memphis et élevé à Atlanta dans une famille modeste - son père était chauffeur, sa mère, femme de ménage -, Herman Cain est l'archétype du self-made-man américain. Après avoir décroché un bac en mathématiques et une maîtrise en informatique (tout en travaillant à temps plein à la section balistique de la marine américaine), il a gravi les échelons dans le privé, d'abord chez Coca-Cola, puis chez Pillsbury.

Dans les années 80, Pillsbury lui confie notamment la gestion de 400 des restaurants Burger King les moins profitables, qui deviendront sous sa direction les plus profitables de la chaîne. Il réalisera un exploit semblable à la tête d'une autre chaîne de restauration rapide appartenant à Pillsbury, Godfather's Pizza, dont il sera PDG jusqu'en 1996.

Élu président de la National Restaurant Association au début des années 90, il deviendra également un des adversaires les plus redoutables de la réforme du système de santé proposée par Bill et Hillary Clinton.

Son expérience électorale est beaucoup moins concluante: il a brigué brièvement l'investiture républicaine pour la présidence en 2000 et a subi un échec lors de l'élection sénatoriale de Géorgie en 2004.

Propos controversés

Orateur doté d'un bon sens de la formule et de l'humour, Herman Cain était un conférencier populaire auprès des groupes issus du Tea Party avant même d'annoncer sa candidature à la présidence. Depuis le début de sa campagne, il a greffé à sa critique en règle des politiques de Barack Obama un programme qui se résume en une formule chiffrée «9-9-9» (il propose de remplacer le code des impôts par une taxe de vente nationale de 9% et un taux d'imposition uniforme de 9% pour les contribuables et les entreprises).

Son ultra-conservatisme lui fait parfois proférer des idées controversées, voire nauséabondes. Il a notamment affirmé qu'il n'embaucherait pas de musulmans au sein de son administration, une déclaration sur laquelle il a dû revenir. Il a également déclaré la semaine dernière que la plupart des Afro-Américains refusaient de s'ouvrir aux idées conservatrices parce qu'ils ont subi un «lavage de cerveau».

Certains de ses détracteurs expliquent sa popularité auprès du Tea Party par le fait qu'il avalise, en tant que Noir, les opinions racistes, islamophobes ou autres des militants de ce mouvement. Une idée que rejette Herman Cain avec vigueur.

«On vous traitera de racistes simplement parce que vous êtes en désaccord avec un président qui se trouve être Noir», a-t-il déclaré en février aux membres enthousiastes d'un groupe conservateur. «Vous n'êtes pas racistes! Vous êtes des patriotes parce que vous êtes prêts à défendre vos idées!»