La Cour suprême des États-Unis a donné raison lundi à deux prisonniers se plaignant de leurs conditions de vie dans les prisons surpeuplées de Californie en ordonnant à cet État de libérer des milliers de détenus.

Dans une décision serrée à cinq contre quatre, la plus haute juridiction des États-Unis affirme vouloir répondre à une situation «exceptionnelle» où des prisonniers «souffrent et meurent» en raison de la surpopulation carcérale.

Avec 156.000 prisonniers dans 33 prisons prévues pour en accueillir 80 000, la Californie détient un record aux Etats-Unis, mais la question de la surpopulation et de sa régulation par l'État fédéral concerne la totalité des États d'un pays où près de huit habitants sur 1000 sont incarcérés.

«Par manque de lits, des détenus suicidaires peuvent passer de longs moments dans une cage de la taille d'une cabine téléphonique», rappelle la Cour suprême dans sa décision, citant le cas d'un prisonnier «resté ainsi pendant près de 24 heures, nageant dans son urine, hébété».

De nombreux exemples suivent, accompagnés de photos, chose exceptionnelle dans une décision de la juridiction suprême.

Les images de gymnases bondés de prisonniers tentant de se frayer un chemin entre des centaines de couchettes superposées avaient frappé l'opinion publique en 2006.

À l'origine du dossier, deux prisonniers, l'un en 1990, l'autre en 2001, ont déposé plainte au nom de l'ensemble de leurs congénères, estimant que leurs droits constitutionnels étaient bafoués lorsqu'ils devaient attendre des mois pour recevoir certains soins médicaux.

La population carcérale a été légèrement réduite par le transfèrement de 9000 détenus environ dans d'autres États, le personnel médical et psychiatrique, ainsi que le nombre de gardiens, n'ont pas augmenté suffisamment et les projets de construction de nouvelles prisons ont été stoppés par la crise économique.

En 2009, trois juges fédéraux réunis en formation exceptionnelle ont ordonné la libération de 46 000 détenus, jugeant que l'État savait depuis 20 ans que la situation n'était ni légale ni tenable.

C'est cette injonction que la Cour suprême a confirmée lundi, en insistant sur le fait qu'elle laissait «le choix des moyens pour réduire la surpopulation carcérale (...) à la discrétion de l'État», si celui-ci parvient à trouver une solution alternative rapide.

Petit à petit

Quoiqu'il en soit, la Californie ne devrait pas ouvrir grandes les portes de ses prisons du jour au lendemain mais relâcher petit à petit les condamnés à des peines légères ou ne pas en incarcérer de nouveaux.

Le directeur des autorités pénitentiaires de Californie, Matthew Cate, a estimé lundi que l'État avait besoin de davantage de temps. «Nous sommes déçus que la Cour n'ait pas tenu compte des nombreuses améliorations dans les soins dispensés aux détenus ces cinq dernières années et de la baisse importante de la population carcérale», a-t-il affirmé à la presse.

Les quatre juges les plus conservateurs de la Cour se sont élevés contre la décision de la majorité, estimant qu'elle revenait à ordonner la libération de plus de 30 000 prisonniers, «peut-être l'injonction la plus radicale dans l'histoire du pays».

Pour eux, le risque est trop important pour la société de libérer des prisonniers et prévaut sur le respect des droits constitutionnels de ces derniers.

À l'inverse, la puissante organisation de défense des libertés civiles, l'Aclu, a applaudi une décision qui «concrétise la nécessité pour la Californie d'investir dans une réforme des procédures de condamnation et de libération conditionnelle, notamment pour les petits larcins sans violence».