Le président Barack Obama a défié les républicains mercredi en nommant par décret son ambassadeur en Syrie et cinq autres responsables, profitant des vacances du Congrès pour contourner l'«obstruction sans précédent» de ses adversaires.

M. Obama avait soumis au Congrès le 22 février la nomination du diplomate Robert Ford au poste d'ambassadeur des Etats-Unis à Damas, un poste vacant depuis le rappel de son prédécesseur à la suite de l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri en février 2005.

L'administration démocrate estime que la Syrie, un ancien ennemi, peut jouer un rôle utile pour faire avancer ses efforts de paix au Moyen-Orient.

M. Obama, actuellement en vacances dans son État natal d'Hawaii (Pacifique), a également nommé par décret trois autres ambassadeurs: en Turquie, en Azerbaïdjan et en République tchèque. Il a aussi nommé James Cole au poste de ministre adjoint de la Justice.

La nomination du candidat de M. Obama pour le poste d'Ankara, Francis Ricciardone, avait été soumise en juillet.

«Toutes les administrations rencontrent des retards pour faire entériner leurs candidats, mais l'échelle de l'obstruction républicaine aux candidats proposés par M. Obama est sans précédent», a expliqué sous couvert de l'anonymat un haut responsable américain pour justifier cette décision.

Les ambassadeurs, les juges et d'autres hauts responsables de l'administration peuvent être nommés par décret présidentiel. En contrepartie, ces nominations ne sont que provisoires.

M. Obama avait déjà eu recours en mars et en août à un tel outil, de nature à hérisser les élus puisqu'il revient à imposer la volonté de l'exécutif sur le législatif en passant outre à l'équilibre des pouvoirs.

Ces dernières nominations interviennent alors que M. Obama va retrouver début janvier à Washington des républicains désormais majoritaires à la Chambre des représentants et dotés d'une minorité de blocage renforcée au Sénat, conséquence de la défaite des démocrates aux législatives de novembre.

Après un mois de décembre marqué contre toute attente par une coopération ponctuelle entre les deux partis, notamment sur la fiscalité, le traité START et la question des homosexuels dans l'armée, M. Obama avait estimé la semaine dernière que Washington n'était «pas condamné à un blocage sans fin».

La future présidente de la commission des Affaires étrangères à la Chambre, l'élue républicaine de Floride Ileana Ros-Lehtinen, a protesté contre la nomination de M. Ford, qu'elle a assimilée à une «concession majeure au régime syrien».

Cette nomination «dit au régime de Damas qu'il peut continuer à appliquer son programme dangereux et ne pas subir de conséquences des États-Unis. C'est le mauvais message à envoyer à un régime qui continue à porter atteinte et à menacer les intérêts américains et ceux d'alliés aussi proches qu'Israël», a-t-elle ajouté.

Pour Mohamad Bazzi, expert au Centre pour les relations internationales, l'opposition a eu tort de bloquer la nomination de M. Ford. «Si les États-Unis n'envoyaient des diplomates que dans les pays amis ou coopératifs, il y aurait bien moins d'ambassades américaines dans le monde», a-t-il remarqué.

Et pour Jon Alterman, du Centre pour les études stratégiques et internationales, un autre groupe de réflexion de Washington, «dans le cas de nombre de pays difficiles, il vaut mieux se trouver face à eux que de les ignorer».

M. Ford, un «diplomate absolument excellent» selon lui, «dira clairement (aux Syriens) que leurs actes, bons ou mauvais, auront des conséquences».