Onze heures de témoignage sous serment de l'ancien président américain Richard Nixon sur l'affaire du Watergate restées inédites pourraient bientôt tomber dans le domaine public et permettre de répondre à nombre d'inconnues demeurant dans ce scandale politico-financier.

Des historiens américains ont déposé cette semaine devant le tribunal fédéral de Washington une requête demandant la publication de la retranscription de ces déclarations.

Peu commune mais déjà fructueuse par le passé, ce type de demande peut être contrée ou soutenue par l'administration américaine, ne préjugeant en rien de la décision finale de la justice.

L'ancien président américain avait été interrogé sous serment en l'absence de son avocat les 23 et 24 juin 1975 en Californie, où il s'était retiré après sa démission, par un Grand jury américain chargé de déterminer si un dossier mérite d'aller jusqu'au procès et dans ce cas de rédiger l'acte d'accusation.

Pardonné par son successeur Gerald Ford, Richard Nixon n'a jamais fait l'objet d'un procès mais des dizaines de personnes, dont nombre de ses collaborateurs, ont été condamnées dans la vague du scandale.

«Les procédures devant un Grand jury restent indéfiniment confidentielles afin de protéger l'anonymat des jurés, d'encourager les témoins à parler sans crainte», explique à l'AFP Allison Zieve, avocate au sein du groupe de pression Public Citizen qui a rédigé la requête au nom des historiens.

«Mais notre raisonnement est que le temps passant, les raisons qui justifient la confidentialité s'érodent et l'intérêt historique grandit», ajoute-t-elle, jugeant que 35 ans, «c'est un laps de temps suffisant».

Le scandale du Watergate, l'un des plus marquants de l'histoire des États-Unis, sert encore aujourd'hui de synonyme à tout scandale politico-financier dans le monde.

«Depuis 35 ans, le Watergate fascine tant les spécialistes que le public (...) et pourtant, malgré des années d'études et de débats, la connaissance des événements par le président Nixon et son rôle dans leur dissimulation reste sujets à conjectures», assurent les historiens dans leur requête.

Mme Zieve précise à l'AFP que des «fuites» obtenues à l'époque par quelques journaux permettent d'avoir une idée des sujets abordés par Richard Nixon dans son témoignage.

Elle cite les «dix-huit minutes et demie manquantes» dans la bande enregistrée de la conversation entre le président républicain et son principal bras droit après le fameux «cambriolage» des locaux du parti démocrate situés dans l'immeuble du Watergate.

L'enquête parlementaire qui avait suivi les révélations du Washington Post sur le scandale avait permis de découvrir que Richard Nixon enregistrait, à leur insu, la totalité des conversations téléphoniques de ses collaborateurs, avec lui ou entre eux.

La publication du témoignage de Richard Nixon pourrait donc également permettre, selon Allison Zieve, de lever le mystère sur les changements opérés dans les retranscriptions de ces bandes, que la Maison-Blanche avait fini en 1974 par fournir à la commission parlementaire.

Elle évoque encore la position de l'ancien président quant à des pressions de la Maison-Blanche sur les autorités fiscales pour harceler ses opposants politiques, ou la contribution de 100.000 dollars concédée par le milliardaire Howard Hugues pour financer la campagne d'un ami très proche de M. Nixon.

Il y a deux ans, un requête semblable avait permis d'innocenter Ethel Rosenberg, exécutée en 1953 aux États-Unis pour avoir fourni des secrets atomiques à l'URSS.