Déplacer le projet controversé de construction d'une mosquée près du site des attentats du 11-Septembre à New York enverrait un mauvais signal aux musulmans du monde entier, a alerté dimanche l'imam à l'origine de cette initiative, Feisal Abdul Rauf.

Renoncer à l'emplacement prévu sera interprété dans le monde musulman comme la nouvelle que «l'islam est attaqué en Amérique», a-t-il estimé sur la chaîne ABC, estimant que «la façon dont l'Amérique traite ses musulmans est regardée par plus d'un milliard de musulmans dans le monde entier».

«Cela renforcera les extrémistes dans le monde musulman, cela les aidera à recruter et mettra en danger nos soldats, nos ambassades, nos citoyens», a aussi affirmé l'imam new-yorkais.

Feisal Abdul Rauf s'exprimait au lendemain d'un neuvième anniversaire des attentats islamistes du 11-Septembre inhabituellement tendu en raison de la polémique sur la mosquée, mais aussi du plan avorté d'un pasteur intégriste américain de brûler des exemplaires du Coran.

Le projet d'ériger, à deux rues du site des tours jumelles détruites, un centre culturel islamique comprenant une mosquée a bénéficié du soutien du maire de New York, Michael Bloomberg.

Le président américain Barack Obama l'a aussi jugé positif, y voyant une démonstration de la liberté religieuse aux États-Unis.

Il a insisté de nouveau samedi sur la tolérance et le respect entre les religions, pendant une cérémonie au Pentagone, l'une des cibles des pirates de l'air d'Al-Qaïda il y a neuf ans.

«Ils peuvent bien essayer de provoquer des conflits entre nos croyances, mais en tant qu'Américains, nous ne sommes pas et ne serons jamais en guerre contre l'islam», a lancé l'hôte de la Maison-Blanche.

D'après les sondages, 7 Américains sur 10 seraient opposés au futur centre culturel islamique de New York. Samedi, deux manifestations concurrentes ont réuni 1500 défenseurs du projet et 2000 opposants près du site envisagé.

Les animateurs de radio ultra-conservateurs se sont emparés de la polémique, une occasion pour eux de dénoncer le programme «socialiste» de Barack Obama.

Le projet d'autodafé du Coran conçu par le pasteur Terry Jones, à la tête d'un groupuscule intégriste en Floride, a été ces derniers jours une manifestation extrême de ce climat.

M. Jones a finalement renoncé à son plan, arguant d'abord que la mosquée serait déplacée en échange, avant que l'imam Rauf démente tout accord.

«Comment pourrait-on mettre sur un même plan le fait de brûler les Écritures avec une tentative de bâtir un dialogue religieux?», s'est encore étonné dimanche l'imam de New York.

Feisal Abdul Rauf s'est montré soulagé de l'abandon d'un projet qui, là encore selon lui, «aurait renforcé les extrémistes, (...) augmenté les possibilités d'attaques terroristes contre les États-Unis et les intérêts américains, (et) aurait provoqué une catastrophe dans le monde musulman».

L'imam Rauf a déploré que «l'islamophobie atteint, et peut-être même dépasse ce qui s'était produit juste après le 11-Septembre».

Pour autant, il a fermement contesté l'idée, répandue dans le monde musulman, selon laquelle les musulmans vivraient mal aux États-Unis.

«Le fait est que les musulmans sont très heureux et prospèrent dans ce pays», a-t-il insisté: «La loi et notre système politique nous protègent. (...) Et le monde musulman doit le reconnaître».