Il fut un temps où la géographie et la religion jouaient un rôle déterminant dans les nominations à la Cour suprême des États-Unis, le président cherchant à refléter le poids des régions et des confessions de son pays au sein de la plus haute juridiction américaine.

Barack Obama pourrait cependant confirmer la fin de cette époque en annonçant, dans les prochaines semaines, son candidat pour succéder au juge John Paul Stevens, doyen et pilier progressiste de la Cour suprême, qui a annoncé vendredi son intention de prendre sa retraite à la fin de juin. S'il faut se fier à la presse américaine, il y a une forte probabilité que le président démocrate arrête son choix sur Elena Kagan, principale avocate du gouvernement fédéral devant la Cour suprême (son titre officiel est celui de solicitor general).

 

Ancienne doyenne de la faculté de droit de Harvard, cette juriste de 49 ans partage la particularité d'être née à New York avec les juges Sonia Sotomayor, première nomination de Barack Obama à la Cour suprême, et Ruth Bader Ginsburg, désignée par Bill Clinton. Élevée dans l'Upper West Side, quartier plutôt aisé de Manhattan, Elena Kagan ne représenterait donc pas un choix logique sur le plan de la géographie, d'autant plus que l'État voisin de New York, le New Jersey, compte lui-même deux juges à la Cour suprême, Antonin Scalia et Samuel Alito.

Le dernier protestant

La sélection d'une New-Yorkaise de confession juive aurait de surcroît un impact sur la Cour suprême qui aurait été impensable à une autre époque. Elle pourrait en effet signifier que la religion protestante, celle des Pères fondateurs des États-Unis, n'aurait plus un seul représentant au sein de la plus haute instance américaine. John Paul Stevens, dernier des juges protestants, siège aujourd'hui aux côtés de six catholiques - John Roberts, Anthony Kennedy, Clarence Thomas, Scalia, Alito et Sotomayor - et de deux juifs - Stephen Bryer et Bader Ginsburg.

Sur le plan politique, la nomination d'Elena Kagan pourrait néanmoins faciliter la vie de Barack Obama, dont le choix devra être approuvé par le Sénat. Plusieurs sénateurs républicains ont déjà exprimé de l'admiration pour l'intelligence et l'indépendance d'esprit de cette juriste qui a ouvert les portes de la faculté de droit de Harvard à plusieurs professeurs conservateurs de renom. Certains de ces mêmes sénateurs ont également déjà voté en faveur de la confirmation de Kagan au poste de solicitor general, un vote qu'ils pourraient avoir du mal à renier.

Un peu plus à droite ?

Les positions libérales de Kagan sur l'avortement et les droits des homosexuels, entre autres sujets controversés, pourraient évidemment l'exposer aux dénonciations de la droite. Mais, depuis l'annonce de la retraite du juge Stevens, les premières critiques à son endroit ne sont pas venues des conservateurs mais plutôt des progressistes, dont l'avocat et blogueur Glenn Greenwald. Selon lui, le remplacement du juge Stevens par Kagan aurait pour effet de déplacer le centre de gravité de la Cour suprême encore plus à droite, notamment en raison des positions de la juriste sur les questions de sécurité nationale.

En annonçant vendredi son intention de désigner le successeur du juge Stevens «dans les prochaines semaines», le président Obama a précisé que cette personne devrait non seulement être un «esprit libre», mais également posséder «un farouche dévouement pour le respect de la loi et une connaissance pointue de la manière dont les règles juridiques affectent la vie quotidienne des Américains».

«Cela devra également être quelqu'un qui, comme le juge Stevens, sait que dans une démocratie, les intérêts des puissants ne doivent pas avoir le droit d'entraver ceux des citoyens ordinaires», a-t-il ajouté.

Dix candidats

Le président Obama examine une liste d'environ 10 candidats à la Cour suprême. Deux autres noms figurent parmi les favoris. L'un d'eux, Merrick Garland, siège à la Cour d'appel de Washington. Considéré comme un centriste, ce juriste de 57 ans susciterait encore moins d'opposition chez les républicains du Sénat qu'Elena Kagan, dont il partage la confession religieuse.

L'autre nom est celui de Diane Wood, 59 ans, juge à la Cour d'appel de Chicago. De confession protestante, elle a défendu avec vigueur des positions ancrées à gauche qui contribueraient sans doute à une levée des boucliers des républicains du Sénat et de leurs alliés dans les médias et les groupes d'intérêts conservateurs.

Contrairement à ces deux candidats, Elena Kagan n'a jamais été juge, ce qui ne la désavantagerait pas aux yeux de Barack Obama.