Barack Obama a remporté son pari : la Chambre des représentants a adopté dimanche soir le projet-phare de sa présidence, la réforme de la santé. Son impact pourrait lui valoir une place de choix dans les livres d'histoire américains. Mais à court terme, quel en sera le coût politique pour les démocrates ?

Les démocrates et les forces progressistes ont remporté une victoire historique, dimanche soir, alors que la Chambre des représentants des États-Unis a approuvé le projet de réforme du système de santé.Il s'agit d'une victoire majeure pour le président Barack Obama, qui avait gagné la Maison-Blanche en faisant campagne sur ce thème. Les républicains essuient un revers, eux qui avaient promis de faire de la réforme le «Waterloo d'Obama».

Dimanche soir, l'euphorie régnait chez les démocrates, heureux de voir leur cause emblématique menée à terme.

«Imaginez une société où une personne peut changer d'emploi sans perdre son assurance maladie, a dit Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des représentants. Aujourd'hui, nous allons finir le travail.»

Les démocrates ont atteint le chiffre des 216 votes nécessaires à 22h45. Fait à noter, aucun républicain n'a voté en faveur de la réforme.

La Maison-Blanche a laissé savoir que le président Obama ferait une déclaration télévisée après le vote.

Campagne de promotion

Le président Obama compte profiter du passage de la réforme pour lancer une campagne intensive de promotion visant à expliquer les changements au public - et aussi à redorer l'étoile des démocrates, qui font face à l'électorat l'automne prochain pour les élections de mi-mandat.

Dimanche, les dirigeants démocrates sont parvenus à s'entendre avec le représentant Bart Stupack, du Michigan. Démocrate d'allégeance conservatrice, M. Stupack a reçu l'assurance que les fonds fédéraux ne seraient pas utilisés pour payer des avortements, point sur lequel il se battait depuis des mois.

Samedi, le président Obama a prononcé un dernier discours sur la réforme du système de santé.

Le président a cité un passage écrit par Abraham Lincoln. «Je ne suis pas assuré de gagner, mais je suis assuré d'être fidèle à moi-même. Je ne suis pas assuré d'avoir du succès, mais je suis assuré d'être à la hauteur de mes convictions les plus profondes.»

Obama a dit que le vote de dimanche représentait «ce pourquoi (il est) entré en politique, ce pourquoi (il a) fait ces sacrifices».

«Nous débattons du système de santé depuis des décennies. Nous en parlons ici depuis un an. Maintenant, la question est entre vos mains», a dit le président, qui s'adressait aux élus démocrates de la Chambre des représentants.

Le projet de loi présenté à la Chambre des représentants a été adopté le 24 décembre dernier par le Sénat. M. Obama devrait signer le document dans les prochains jours, lui donnant force de loi.

Hausse de 40%

Le vote était le point d'orgue d'une longue campagne parfois décevante pour les démocrates, qui auraient voulu régler la question de l'assurance maladie en 2009.

Ironiquement, ce sont les compagnies d'assurance elles-mêmes qui ont permis aux démocrates de retrouver la passion nécessaire pour rallier leurs troupes dans les dernières semaines.

En février, le géant de l'assurance Anthem Blue Cross a annoncé une hausse des cotisations mensuelles allant jusqu'à 40% pour ses clients en Californie.

La nouvelle a électrisé les troupes démocrates et la Maison-Blanche, qui y ont vu une façon simple et directe d'expliquer au public en quoi le statu quo était inacceptable.

David Axelrod, conseiller principal d'Obama, a confié au New York Times: «Si nous étions dans un procès, (l'annonce d'Anthem) serait considérée comme notre pièce à conviction numéro un.»

Le président Obama a mentionné la hausse qu'a annoncée Anthem dans presque toutes ses allocutions sur la santé dans les dernières semaines. Aux États-Unis, le sujet est devenu pratiquement aussi important que la réforme du système de santé elle-même.

Le projet de réforme prévoit une expansion du programme Medicaid venant en aide aux personnes pauvres, et propose des subventions pour aider les familles à faible de revenu à acheter une assurance maladie privée. Des millions d'Américains aujourd'hui sans assurance maladie seront couverts.

Or, l'idée de créer une assurance maladie publique gérée par le gouvernement fédéral n'a pas été retenue par les élus, un recul qui déplaît aux progressistes.

La nouvelle loi doit coûter 940 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. Selon le Bureau du budget du Congrès (CBO), la réforme fera toutefois économiser 143 milliards d'ici 2020 en dépenses du gouvernement fédéral pour les soins de santé.

Ambiance électorale

Le vote de dimanche a pris des allures de journée d'élections partout aux États-Unis. La question de la réforme du système de santé occupait les conversations et monopolisait les débats diffusés aux grands réseaux.

Neil Tobin, résidant de Los Angeles, a reçu vendredi un message texte de la campagne de Barack Obama lui demandant de téléphoner à sa représentante au Congrès pour faire pression en faveur de la réforme. Il dit avoir passé plus d'une heure au téléphone avant d'avoir la ligne.

«J'ai expliqué à quel point la réforme est importante pour moi, que ça allait décider de mon prochain vote, dit-il. Ça me rappelle la campagne d'Obama. Je crois que les gens sont aussi mobilisés aujourd'hui que durant les élections présidentielles. C'est super de voir autant de passion.»

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La réforme en bref

219 pour

212 contre

La réforme de la santé voulue par le président Barack Obama a été adoptée dimanche par la Chambre des représentants à 219 voix contre 212. Le texte doit maintenant être soumis au Sénat dans le cadre d'une procédure dite de réconciliation qui ne requiert qu'une majorité de 51 voix sur 100.

32 millions

La réforme étendra graduellement la couverture médicale à 32 millions d'Américains de plus, soit 95% des citoyens américains âgés de 65 ans et moins, comparativement à 83% aujourd'hui.

940 milliards

Le coût de la réforme en 10 ans.

Il SERA DÉSORMAIS INTERDIT POUR LES ASSUREURS :

> de refuser une couverture sous prétexte de problèmes de santé préexistants;

> d'imposer des tarifs plus élevés aux personnes malades ou à celles qui l'ont déjà été;

> de mettre un terme à une couverture advenant que l'assuré tombe malade ou devienne handicapé.

Source: Associated Press

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Les grandes dates du projet de réforme de la santé

2009

24 février

Obama affirme devant le Congrès que le «coût écrasant» de la santé conduit des familles et des petites entreprises à la faillite et handicape les sociétés américaines face à leurs concurrentes étrangères.

23 juin

Obama déclare que l'instauration d'une assurance santé publique est nécessaire pour «discipliner les compagnies d'assurance.»

15 juillet

La commission de la santé du Sénat approuve un plan de réforme de la santé.

18 juillet

Obama soutient que sa réforme est saine financièrement, mais une analyse d'experts du Congrès indique que le projet en l'état accroîtrait les déficits publics de 239 milliards de dollars en 10 ans.

16 août

Cédant aux républicains et face aux doutes dans l'opinion, l'administration Obama laisse entendre qu'elle est prête à abandonner l'idée de donner aux Américains l'option d'une assurance maladie publique dans le cadre de la réforme.

24 décembre

Le Sénat adopte le projet de réforme de la santé, une victoire pour Obama qui ouvre la voie à des négociations avec la Chambre des représentants sur la préparation d'une version finale du texte.

2010

19 janvier

La victoire surprise du Républicain Scott Brown dans le Massachusetts prive les démocrates de la majorité qualifiée de 60 voix au Sénat. Les efforts en vue de dégager une version commune du projet aux deux chambres stagnent.

18 mars

Le groupe démocrate au Congrès dévoile une nouvelle version du projet, qui coûterait 940 milliards de dollars en 10 ans et fournirait une assurance maladie à 32 millions d'Américains qui en sont dépourvus.

21 mars

La Chambre des représentants adopte la réforme.

Source : Associated Press