La décision de Barack Obama de renoncer à un sommet prévu entre l'UE et les États-Unis au printemps constitue une rebuffade de plus pour des Européens qui ont le sentiment d'être de plus en plus maltraités par Washington face à l'Asie dans la nouvelle donne mondiale.

La Maison-Blanche a annoncé lundi que le président américain n'avait pas l'intention de se rendre à un sommet bilatéral programmé les 24 et 25 mai à Madrid. Ces sommets se tiennent, sauf exception, une fois par an et au plus haut niveau.

Du coup, il est «probable» qu'il soit purement et simplement reporté au deuxième semestre, selon une source proche du gouvernement espagnol.

Officiellement, il n'est question que de problèmes de calendrier. Mais le résultat est un camouflet pour le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero qui en avait fait une priorité de sa présidence semestrielle de l'UE.

Il en constitue un plus largement pour toute l'Europe, à un moment où ses dirigeants s'inquiètent d'un début de marginalisation de la relation transatlantique par rapport à celle que veulent forger les États-Unis avec toute la zone Asie-pacifique. Et alors que Barack Obama se recentre sur ses priorités intérieures.

«Si nous voulons créer une gouvernance mondiale qui apportera des avantages aux citoyens, nous devons commencer par une coopération euro-atlantique très forte», a déclaré mardi le président du Parlement européen Jerzy Buzek, ajoutant en forme de reproche: «Je voudrais que les Américains partagent ce point de vue».

L'absence du président américain à Berlin en novembre dernier aux commémorations des 20 ans de la chute du Mur, n'était déjà pas passée inaperçue dans l'UE. Pas plus que son peu d'intérêt apparent pour le précédent sommet UE-États-Unis le même mois à Washington: M. Obama n'y était resté qu'une heure et demie avant de s'excuser.

L'UE est aussi sortie traumatisée de la conférence sur le climat de Copenhague en décembre, où le président américain a préféré négocier directement avec la Chine et l'Inde un accord a minima.

«Son monde n'est pas l'Europe, il ne l'a jamais été», dit du président américain José Ignacio Torreblanca (European Council for Foreign Relations).

Barack Obama a manifestement du mal à s'y retrouver face à la multitude de représentants de l'Union européenne à chaque rencontre. Et les nouvelles institutions du traité de Lisbonne ne risquent pas de simplifier la situation.

L'UE affiche en effet un président permanent, Herman Van Rompuy, la présidence tournante changeant tous les six mois, sa chef de la diplomatie, Catherine Ashton et le président de la Commission européenne.

Un peu plus d'un an après l'obamania qui avait déferlé sur une Europe soulagée du départ de George W. Bush et séduite par l'avènement d'un partisan d'une diplomatie multilatérale, les tensions sont palpables.

Les États-Unis sont déçus du peu d'engouement des pays européens pour envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan ou accueillir des détenus de Guantanamo.

En Europe, les pays de l'Est proches de la Russie ont été échaudés par l'abandon du projet initial de bouclier antimissile, qu'ils ont perçu comme une volonté de Washington de se rapprocher de Moscou à leurs dépens. L'UE dans son ensemble assiste à un changement d'ère.

«Pendant 50 ou 60 ans, l'Europe était la priorité des priorités des États-Unis. Aujourd'hui, pour la résolution des problèmes mondiaux l'alliance occidentale est insuffisante et pas décisive», relève Alvaro de Vasconcelos, président de l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (ISS).