Entre l'Alaska et le Maine, il y a la largeur d'un continent, une distance qui semble aussi séparer les idées politiques des deux républicaines dont on parle le plus ces jours-ci aux États-Unis: Sarah Palin et Olympia Snowe.

S'il n'est plus nécessaire de faire les présentations de l'ex-gouverneure de l'Alaska, il faut encore faire celles de la sénatrice du Maine, qui pourrait commettre un sacrilège aux yeux de la droite républicaine en votant en faveur de la réforme du système de santé proposée par les démocrates du Congrès.

 

Née il y a 62 ans à Augusta, capitale du Maine, Olympia Snowe fait partie d'une espèce en voie de disparition au sein de son parti: comme l'autre sénatrice républicaine de son État, Susan Collins, elle est non seulement modérée, voire libérale - elle défend le droit des femmes à l'avortement, par exemple -, mais elle est également ouverte aux compromis avec les démocrates, une attitude qui fait rager plusieurs républicains.

Mais il s'agit d'une attitude qui convient parfaitement à l'électorat du Maine.

«L'immense majorité des gens du Maine veulent une approche bipartite pour régler les problèmes, dit Christian Potholm, politologue au Collège Bowdoin, à Brunswick. Et ils veulent une approche bipartite particulièrement sur la question complexe de la santé. Olympia Snowe est donc en phase avec la population de son État.»

Elle l'est d'ailleurs depuis longtemps. Elle n'avait que 26 ans lorsqu'elle a brigué le siège laissé vacant à la Chambre des représentants par son premier mari, Peter Snowe, décédé en 1973 dans un accident de la route, une des tragédies personnelles qui ont jalonné sa vie (sa mère est morte d'un cancer lorsqu'elle avait 8 ans et son père, immigré grec, d'une maladie du coeur, à peine un an plus tard).

Remariée en 1989 à John McKernan, ex-gouverneur du Maine, Olympia Snowe a été la première dame de son État de 1989 à 1995 tout en siégeant à la Chambre des représentats et au Sénat, où elle a été élue pour un premier mandat en 1994.

Pendant toute la durée de sa carrière politique, Olympia Snowe s'est distinguée par son indépendance et sa modération. Elle a été la seule républicaine, le mois dernier, à avoir voté avec 13 démocrates pour soutenir le projet de réforme de la santé concocté par la commission des finances du Sénat, un vote qui a déplu à plusieurs républicains, dont le gouverneur du Minnesota, Tim Pawlenty.

« C'est quelqu'un qui s'est immiscé dans le début sur la santé d'une façon qui a enragé les républicains, a déclaré Pawlenty, qui songe à la présidence. Ils peuvent accepter cela, mais ils n'accepteront pas des déviances sur plusieurs autres choses.»

Les propos du gouverneur du Minnesota n'ont pas semblé intimider la sénatrice du Maine. «Je pense qu'ils (les républicains) devraient s'inspirer davantage de ce que je fais», a-t-elle déclaré.

Christian Potholm, le politologue du Collège Bowdoin, lui donne raison. «Si le Parti républicain veut survivre, il n'a pas le choix: il doit suivre la voie tracée par Collins et Snowe, c'est-à-dire s'ouvrir davantage aux différents courants politiques», dit Potholm.

 

PLACE AU DÉBAT SUR LA SANTÉ

Après avoir voté samedi dernier en faveur du lancement formel du débat sur la réforme du système de santé américain, le Sénat s'attaquera à son retour de la fête de l'Action de grâce au projet de loi de 2074 pages présenté par le chef de file de la majorité démocrate, Harry Reid. Cette version de réforme, dont le coût est estimé à 848 milliards de dollars sur 10 ans, permettrait de fournir une couverture médicale à 31 millions d'Américains qui n'en disposent pas actuellement et de réduire le déficit budgétaire de 130milliards de dollars d'ici 2019 grâce à des coupes de dépenses. Le texte de loi prévoit notamment la création d'un régime d'assurance-maladie public pour concurrencer les assureurs privés, une mesure qui suscite la controverse au sein même du Parti démocrate. Les démocrates ont besoin de rallier un minimum de 60 voix, sur un total de 100, pour mettre un terme au débat et procéder à un vote final. Les négociations pour en arriver là pourraient durer plusieurs semaines.