Les Etats-Unis ont annoncé mercredi la visite-surprise à Washington du chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mottaki, un événement d'autant plus exceptionnel qu'il survient à la veille de discussions cruciales à Genève sur le programme nucléaire de Téhéran.

Un porte-parole de la diplomatie américaine, Ian Kelly, a souligné que M. Mottaki n'avait rencontré «personne au département d'Etat, ni à la Maison Blanche, ni au Conseil de sécurité nationale».

Philip Crowley, un autre porte-parole, s'est attaché à minimiser l'importance de cette visite, qui avait d'abord été révélée par la radio américaine en langue arabe Al-Hurra.

«Ce qui nous intéresse beaucoup plus», a-t-il dit, «c'est que les Iraniens viennent (jeudi) à Genève, et qu'ils fassent, eux, des gestes montrant qu'ils sont prêts à répondre aux inquiétudes de la communauté internationale».

La visite de M. Mottaki a été autorisée en dernière minute.

Les Etats-Unis et l'Iran n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980, et selon Trita Parsi, du Conseil national américano-iranien, cette visite est la première depuis dix ans à ce niveau.

Les Iraniens «ont fait une demande précise», a simplement expliqué M. Crowley lors du point de presse quotidien du département d'Etat: M. Mottaki «voulait se rendre à la représentation des intérêts iraniens au sein de l'ambassade du Pakistan et nous avons accepté cette demande».

Mais «c'est un peu tiré par les cheveux d'imaginer que M. Mottaki est venu uniquement pour rendre visite à la représentation iranienne», commente Shaul Bakhash, un chercheur de l'université américaine George Mason.

Trita Parsi qualifie la visite de «geste significatif» de la part des Etats-Unis.

«C'est le mauvais geste au mauvais moment», juge au contraire Karim Sadjadpour, de l'institut Carnegie. Selon lui, en recevant ce responsable à la veille des négociations, les Etats-Unis «signalent à l'opposition iranienne qu'ils ne se soucient pas du bien-être des Iraniens, mais seulement de la question nucléaire».

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a réservé mercredi une autre surprise à ses interlocuteurs occidentaux, en proposant qu'une tierce partie enrichisse l'uranium au niveau requis pour alimenter le réacteur nucléaire que l'Iran fait fonctionner à Téhéran.

La République islamique, inflexible depuis longtemps sur son «droit inaliénable» à enrichir de l'uranium, semble ainsi faire mouvement à la veille des discussions jeudi à Genève entre l'Iran et les six grandes puissances (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) qui surveillent son programme nucléaire.

La rencontre survient après quatorze mois d'impasse, et découle en partie de la main tendue à l'Iran au printemps par le président Barack Obama.

Elle intervient toutefois dans un contexte tendu, ces derniers jours, par la double annonce de l'existence d'un second centre d'enrichissement d'uranium en Iran et du fait que le régime a procédé à des essais de tir de missiles.

Les Etats-Unis ont haussé le ton en conséquence. Mercredi encore à Genève, un diplomate américain a affirmé aux médias que le processus de discussions sur le point d'être engagé ne «pouvait pas être un processus illimité dans le temps».