Quatre questions à Barthélémy Courmont, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques à Paris et auteur du livre Les défis d'Obama: vers un nouveau leadership américain. Il est de passage à Montréal dans le cadre du colloque international «La présidence Obama: De l'espoir à la réalité», aujourd'hui à l'UQAM.

Q Barack Obama a démarré sa présidence sur les chapeaux de roues. Après six semaines au pouvoir, peut-on dresser un premier bilan?

 

R En politique intérieure, Barack Obama avait promis de faire adopter rapidement un plan de relance de l'économie américaine, et il a respecté ses engagements. La surprise, c'est son énorme ambition. On attendait de sa part qu'il se fasse le pompier de la crise; il souhaite plutôt imprimer une nouvelle forme d'économie à son pays. Quand il a annoncé son plan de relance, par exemple, il a aussi annoncé qu'il ouvrirait dès cette année le chantier pourtant très vaste de la réforme de l'assurance maladie aux États-Unis. On croyait que ces réformes seraient échelonnées sur quatre ans. Or, le président souhaite les mener de front, dès la première année.

Q Barack Obama est-il trop ambitieux?

R C'est une question qui reste en suspens, notamment en ce qui concerne la réforme de l'assurance maladie, un enjeu sur lequel certains de ses prédécesseurs se sont cassé les dents. En étant très ambitieux, Obama prend aussi ses premiers risques politiques réels. En effet, s'il ne parvient pas à concrétiser ces réformes aussi rapidement qu'il le souhaite, on va lui reprocher d'avoir voulu brûler les étapes. C'est son style de présidence qui risque d'être montré du doigt, d'ici quelques mois, si les réformes ne sont pas menées à bien.

Q Et en matière de politique étrangère?

R La première chose qui se dégage, c'est sa volonté d'agir très vite. On l'a vu avec les annonces du retrait des forces combattantes d'Irak et du renforcement des effectifs en Afghanistan. La grande différence par rapport aux années Bush, c'est qu'on abandonne cette vision manichéenne des relations internationales avec, d'un côté, des menaces et des risques pour les États-Unis, et de l'autre, des alliés et des partenaires. On dissocie la question irakienne de la question afghane. On traite chaque dossier séparément. C'est une rupture très nette avec l'administration précédente. On ne parle plus de guerre contre le terrorisme, mais du front irakien, du front afghan, du confit israélo-palestinien, etc.

Q La lune de miel d'Obama est-elle terminée?

R Il est vrai que le plan de relance a été plus difficile à faire adopter que prévu. Les républicains ont été plus coriaces, et Obama a dû faire des concessions. Cela ne fait que confirmer que même en temps de crise - ou peut-être encore plus en temps de crise -, le président des États-Unis ne dispose pas d'une autorité suprême sur la gestion des questions économiques et sociales. Il lui faudra composer avec non seulement l'opposition, mais sa propre majorité démocrate au Congrès. Finalement, c'est un retour au réalisme politique.