Barack Obama a ouvert une porte aux athées à la Maison Blanche, un geste qui fait grincer des dents du côté de la droite religieuse, habituée à être associée aux décisions du pouvoir sous la présidence de George W. Bush.

Le nouveau président américain est un chrétien pratiquant qui a souvent appelé l'aile gauche de son parti à se réconcilier avec la religion. Comme le veut la tradition, il a prêté serment sur la Bible au premier jour de sa présidence.

Mais dans son discours d'investiture, il a aussi cité les athées. «Nous sommes un pays composé de chrétiens, de musulmans, de juifs, d'hindous et de non-croyants», a-t-il lancé.

«Nous sommes heureux qu'il reconnaisse notre existence», se félicite Ron Millar, directeur de la Secular Coalition for America (SCA), une association qui milite pour la laïcité. «Pour nous, c'est un premier pas important, mais il reste beaucoup de travail à faire pour défendre la laïcité, compte tenu de l'influence que la droite religieuse a accumulée pendant les huit dernières années».

M. Obama a annoncé jeudi la création à la Maison Blanche d'un bureau des associations ouvert aux laïcs, révisant une initiative de son prédécesseur George W. Bush qui le réservait aux organismes religieux, appelés à donner leur avis sur les grandes questions de société.

Le nouveau président en a profité pour évoquer «la limite que les fondateurs de notre république ont, dans leur sagesse, tracée entre l'Eglise et l'Etat», limite souvent mise à mal sous les présidences précédentes.

Pour M. Millar, ce nouveau «Bureau des partenariats religieux et associatifs» est contraire à la Constitution de par la présence de mouvements religieux. Mais il s'est dit heureux d'y siéger aux côtés de 24 autres responsables pour conseiller le président sur les questions nationales et internationales.

La SCA et d'autres organisations de défense des droits civiques ont rencontré à trois reprises des membres de l'équipe Obama durant la période de transition qui a suivi l'élection présidentielle du 4 novembre.

L'annonce de ces rencontres a provoqué la colère du mouvement anglican «In God We Trust» («En Dieu Nous Croyons», la devise américaine) qui a annoncé une campagne de publicité d'un million de dollars pour dénoncer une tentative de «camoufler l'héritage religieux de l'Amérique».

«Je ne peux imaginer qu'un autre président élu se soit jamais assis face à des représentants du mouvement athée américain pour préparer en secret une stratégie législative», a dénoncé le président d'In God We Trust, l'évêque Council Nedd. «L'administration se prépare manifestement à faire ingurgiter aux Américains la vision gauchiste d'une Amérique totalement laïque», a-t-il estimé dans un communiqué.

Selon les sondages, seuls 10% des Américains sont athées ou agnostiques, contre 70% qui se disent résolument croyants. Mais même chez les conservateurs, 50% des sondés pensent que la religion doit rester séparée de la politique, contre 30% seulement il y a quatre ans.

Pour le professeur Ira Lupu, de l'Université George Washington, M. Obama accompagne une évolution de la société en direction de la laïcité, surtout chez ses partisans démocrates.

«Le simple fait qu'un président reconnaisse que les laïcs ont autant de préoccupations morales que les croyants en ce qui concerne des questions de société comme la bioéthique ou la grossesse des adolescentes est en soi une chose nouvelle», remarque-t-il.

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