Un Saoudien suspecté d'avoir prévu de prendre part aux attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis a été torturé au centre de détention de Guantanamo, à Cuba, a affirmé le Washington Post mercredi, citant une responsable américaine.

Susan Crawford, chargée dans l'administration Bush de décider si les détenus de Guantanamo devaient être poursuivis, a déclaré au quotidien que le suspect ne pouvait pas être jugé parce qu'il avait été torturé.

Les militaires américains qui menaient les interrogatoires ont soumis Mohammed al-Qahtani, 30 ans, à un régime d'isolement prolongé, de privation de sommeil, de nudité et d'exposition prolongée au froid, le laissant dans un état qui «menaçait sa vie», a dit Mme Crawford.

«Nous avons torturé Qahtani», a-t-elle affirmé. «Son traitement correspond à la définition légale de la torture. Et c'est pour cette raison que je ne renvoie pas ce cas» devant la justice, a-t-elle ajouté.

Qahtani, suspecté d'être le 20e pirate prévu dans les attentats du 11-Septembre, s'était vu refuser l'entrée aux États-Unis un mois avant les attentats mais a été capturé en Afghanistan et transféré à Guantanamo en janvier 2002.

Un porte-parole du Pentagone a déclaré mercredi à la presse que les techniques d'interrogation utilisées pour le Saoudien étaient autorisées par le secrétaire à la Défense de l'époque, Donald Rumsfeld, et que les rapports qui ont été réalisés sur ces techniques affirmaient qu'elles étaient légales.

Le Pentagone «a adopté une nouvelle politique, plus restrictive et a augmenté sa vigilance sur les procédures d'interrogatoires et les conditions de détention», a ajouté Bryan Whitman.

«Si certaines techniques d'interrogatoire brutales ont été utilisées contre M. al-Qahtani à cette époque, elle ne sont plus en conformité avec le manuel pratique de l'armée de Terre tel qu'il a été actualisé», a encore précisé M. Whitman.

Selon le Post, le détenu saoudien a été interrogé durant plus de 50 jours, de novembre 2002 à janvier 2003, et il a été maintenu à l'isolement jusqu'en avril de la même année.

«Les techniques utilisées étaient toutes autorisées mais la façon dont elles ont été appliquées était trop agressive et trop prolongée», a précisé Mme Crawford.

«Vous pensez à la torture, vous pensez à quelque acte physique horrible fait à un individu. Là, ce n'était pas un acte en particulier, c'était juste une combinaison de procédés qui avaient un impact médical sur lui, qui portaient atteinte à sa santé. C'était injurieux et inapproprié. Et coercitif. Clairement coercitif. C'est cet impact médical qui m'a conduite» à l'appeler torture, a-t-elle expliqué.

Mme Crawford a abandonné les poursuites pour crimes de guerre contre Qahtani en mai 2008.

Agée de 61 ans, Mm Crawford est une juge à la retraite qui avait auparavant travaillé pour le Pentagone. Le secrétaire d'État à la Défense Robert Gates l'a chargée, en février 2007, de décider si les détenus de Guantanamo devaient être jugés.

Une autre porte-parole du Pentagone, Cynthia Smith, a assuré à l'AFP mercredi ne pas savoir pour quelles raisons Mme Crawford avait jugé bon de faire ces révélations à la presse à moins d'une semaine du changement d'administration. «La juge Crawford a indiqué qu'elle ne prévoyait pas de donner d'autres interviews dans l'immédiat», a-t-elle ajouté.