Les temps sont durs aux États-Unis pour les musulmans, qui dénoncent une poussée d'islamophobie à l'approche de l'élection présidentielle, alors que de fausses rumeurs affirment que le démocrate Barack Obama est un adepte de l'islam et serait lié à des terroristes.

Le sénateur de l'Illinois, qui serait le premier président Noir s'il était élu le 4 novembre, est chrétien. Fils d'un père kényan et d'une mère américaine, il a passé une partie de son enfance en Indonésie, pays musulman. «Jamais depuis l'élection de John Kennedy (un catholique) en 1960, la croyance religieuse d'un candidat américain à la présidence n'avait généré autant de distorsion», s'indignent dans une récente pétition une centaine d'universitaires «inquiets», en citant «l'affirmation erronée de groupes extrémistes selon laquelle Barack Obama est musulman».

«Ceci fait partie d'une campagne de haine islamophobe qui nourrit les préjugés contre les Américains pratiquant l'islam», affirment-ils. Leur nombre estimé varie de 2 à 7 millions sur une population de 305 millions.

En septembre, la diffusion à grande échelle d'un DVD controversé sur l'islam en Floride, État-clé pour la bataille présidentielle, a jeté de l'huile sur le feu.

Cette vidéo, «Obsession: Radical Islam's War Against the West», diffusée depuis plus d'un an par l'association Clarion Fund, montre des scènes de jeunes enfants récitant des appels au Jihad, entrecoupées d'images des jeunesses hitlériennes.

Se sentant déjà stigmatisée depuis les attentats du 11-Septembre, revendiqués par les islamistes radicaux d'Al-Qaeda, la communauté musulmane se sent particulièrement ostracisée durant cette campagne.

«Il y a tellement de calomnies proférées à l'encontre de l'islam et des musulmans que les candidats à la présidence sont réticents à entrer en contact avec la communauté musulmane, de peur de faire l'objet d'attaques de la part de leurs adversaires», déplore le porte-parole du Conseil des relations islamo-américaines, Ibrahim Hooper. «C'est dérangeant».

En juin, Barack Obama a présenté ses excuses à deux femmes portant le foulard islamique, empêchées par les militants démocrates de figurer sur une photo à ses côtés.

Interpellé récemment par une militante qui qualifiait Obama d'«Arabe», le candidat républicain John McCain s'est contenté de le défendre en assurant qu'il était «un père de famille décent».

«Heureusement, des gens courageux comme l'ancien secrétaire d'État Colin Powell ont dénoncé le problème», mais «nous attendons toujours que nos dirigeants appellent aussi à rejeter l'islamophobie», souligne M. Hooper.

Ancien membre de l'administration Bush, le général Powell est monté au créneau tout en apportant son soutien politique à M. Obama.

«Y-a-t-il quelque chose de mal à être musulman dans ce pays? La réponse est non», a-t-il souligné, en s'indignant d'avoir «entendu de hauts responsables de (son) parti suggérer qu'Obama était +un musulman qui pourrait être lié à des groupes terroristes+. Ce n'est pas une façon de faire en Amérique».

Mais les préjugés sont tenaces.

La présidente d'un club du Parti républicain du Nouveau-Mexique vient de démissionner après des propos diffamatoires et racistes à l'encontre du candidat démocrate. «Les musulmans sont nos ennemis (...) Ils jurent partout dans le monde qu'ils sont nos ennemis. Le fait qu'on essaie d'en élire un me dépasse», avait déclaré Marcia Stirman.

Interrogés sur les croyances religieuses de M. Obama, 12% des électeurs continuent d'affirmer qu'il est musulman, contre 13% en juin, selon un sondage du Pew Research Center réalisé auprès de 3 016 personnes.