Plébiscitée au moment de sa nomination surprise comme candidate républicaine à la vice-présidence, Sarah Palin inquiète désormais bon nombre d'électeurs conservateurs, notamment dans le sud des États-Unis. Alors que la gouverneur de l'Alaska se préparait à affronter Joe Biden jeudi soir lors du débat des colistiers, certains commencent à douter de sa capacité à gouverner le pays en cas de décès de John McCain pendant son mandat, si ce dernier est élu.

John Thomas, qui habite à Huntsville, dans l'Alabama, avait toutes les raisons de voter pour John McCain lors de l'élection présidentielle du 4 novembre prochain. Comme lui, c'est un ancien officier de marine. Ils ont à peu près le même âge, et si John Thomas se considère comme politiquement indépendant, il se reconnaît un penchant pour les conservateurs. Mais aujourd'hui, les récentes interviews de Sarah Palin qu'il a entendues l'ont décidé à voter pour le démocrate Barack Obama.

«Elle n'est pas du tout prête», observe John Thomas, 70 ans. Il confie notamment qu'avoir entendu Sarah Palin dire que la proximité de l'Alaska avec la Russie lui donnait une expérience en matière de politique étrangère l'avait «terrifié».

Même dans les États du Sud traditionnellement républicains, beaucoup se montrent sceptiques vis-à-vis des compétences de Sarah Palin qui s'apprêtait à débattre jeudi soir avec le sénateur démocrate Joseph Biden, devant les caméras à Saint Louis (Missouri). «Je suis allé au golf jeudi et tout le monde ne parlait que de ça», raconte le septuagénaire. «Ils ont très peur de McCain et son âge» et que Sarah Palin se retrouve présidente du jour au lendemain s'il venait à mourir, dit-il.

La vague d'enthousiasme qui a accueilli les positions conservatrices de la gouverneur de l'Alaska sur les questions sociales et religieuses n'a pas disparu, mais elle a été tempérée par l'incertitude concernant ses aptitudes à gouverner, particulièrement dans les rangs des modérés.

Cela reflète en partie la tendance actuelle dans les sondages, montrant une forte baisse du pourcentage des électeurs potentiels qui trouvent Sarah Palin compétente. Selon un sondage Associated Press-GfK réalisé du 27 au 30 septembre dans tous les États américains, seules 25% des personnes interrogées disent désormais qu'elle a l'expérience suffisante pour être présidente, contre 40% auparavant. Au niveau national, parmi les électeurs susceptibles de voter pour les républicains, le pourcentage est passé de 75% à 47%.

«Je ne sais pas vraiment quelle est son expérience», se demande Johnathan Hurwitz, 40 ans, un officier basé près de Huntsville, en notant que Sarah Palin a été tenue jusqu'à présent largement à l'écart des questions des journalistes ou des électeurs. Ce républicain modéré estime que le choix de Sarah Palin a surtout été guidé par des questions de stratégie politique. Il dit ne pas avoir été impressionné par sa performance jusqu'à présent et il penche actuellement vers un vote démocrate.

Pour autant, il y a peu de risques que McCain et Palin perdent le «Sud profond». Selon un récent sondage réalisé dans l'Alabama, par exemple, McCain conserve une large avance sur Obama et les chiffres ne sont guère différents dans des États comme le Mississippi et la Géorgie. En 2004, le président sortant républicain George W. Bush avait remporté l'Alabama par 62% des voix contre 37%, et la Géorgie par 58% contre 41%.

De nombreux républicains pensent que les gens du Sud s'identifient beaucoup à Sarah Palin qui vient de l'Amérique profonde. «Je pense qu'elle apporte du neuf dans le parti. Elle ne fait pas partie des 'élites» de Washington», souligne ainsi Amy Boyle, une républicaine de Huntsville enthousiasmée par le choix de Sarah Palin.