«Adam m'aurait tué s'il en avait eu la possibilité»: Peter Lanza, père du tueur de Newtown qui a abattu 26 personnes dans une école fin 2012, livre un témoignage poignant dans sa première interview depuis le drame.

Le 14 décembre 2012, Adam Lanza, 20 ans, tuait sa mère Nancy, puis 20 enfants et six membres de l'encadrement de l'école primaire de Sandy Hook, avant de se suicider. Cette tragédie, qui a traumatisé les États-Unis, hante toujours Newtown, petite ville du Connecticut.

«Je sais qu'Adam m'aurait tué en une seconde s'il en avait eu la possibilité, aucun doute là-dessus. La raison pour laquelle il a tiré quatre balles sur Nancy c'est qu'il y en avait une pour chacun de nous: une pour Nancy, une pour lui, une pour Ryan (son frère) et une pour moi», explique Peter Lanza dans le magazine The New Yorker auquel il s'est longuement livré.

Après plusieurs mois de silence, Peter Lanza, cadre dans une filiale de General Electric, a contacté un journaliste du New Yorker qui l'a rencontré à six reprises, pour des entretiens pouvant durer jusqu'à sept heures d'affilée.

Incompréhension et remords dominent dans le témoignage de ce père divorcé qui n'avait plus vu son fils depuis plus de deux ans lorsque celui-ci a commis l'impensable.

Petit, Adam Lanza était «juste un enfant normal un peu étrange», hypersensible, mais plein d'humour lorsqu'il était lui-même un écolier à Sandy Hook. Mais en grandissant, le comportement du petit garçon est devenu de plus en plus anormal.

«Il est devenu très clair que quelque chose n'allait pas», raconte Peter Lanza. «Anxiété, incapacité à se concentrer, une démarche devenue pataude, regard fuyant... Vous pouviez voir les changements», dit-il, tout en notant qu'il était selon lui impossible de prévoir la catastrophe à venir.

Pas une heure sans y penser

À partir de son entrée au collège, Adam Lanza s'est petit à petit refermé sur lui-même. Ses parents l'ont emmené voir plusieurs spécialistes qui lui ont diagnostiqué un syndrome d'Asperger, une forme légère d'autisme, à l'âge de 13 ans. Un diagnostic dont se sont contentés ses proches et les médecins et qui a peut-être empêché de découvrir d'autres problèmes, regrette Peter Lanza.

Son ancienne femme Nancy, qui entretenait avec lui une correspondance par courriels concernant Adam, a ensuite décidé de s'occuper de son fils à domicile, celui-ci ne supportant plus l'école.

Mais Adam est devenu de plus en plus dur et Nancy «était presque devenue prisonnière de sa propre maison», dit encore Peter Lanza. Les relations mère-fils étaient souvent tendues et à certaines périodes Adam ne communiquait plus avec sa mère que par courriels alors qu'ils vivaient sous le même toit, note encore M. Lanza, qui hésite toujours aujourd'hui à donner son nom de famille quand il rencontre des inconnus.

Peter Lanza suit la situation de loin et son fils rompt finalement tout contact avec lui en septembre 2010: «Je ne me doutais pas que je ne lui parlerais plus jamais», dit Peter Lanza. «Mais je pense qu'il voyait qu'il pouvait contrôler sa mère davantage que moi».

M. Lanza, aujourd'hui remarié, dit rêver ou cauchemarder de son fils Adam toutes les nuits. «Il ne se passe pas une heure sans qu'une pensée relative à lui ne me traverse l'esprit», dit-il.

Il a rencontré quelques parents de victimes de Sandy Hook. «Un membre de la famille d'une victime m'a dit qu'il pardonnait à Adam. Je ne savais pas quoi lui répondre, une personne qui a perdu son fils unique...»

«Est-ce que je m'en veux qu'il soit mon fils? Énormément», dit encore M. Lanza, ajoutant qu'il aurait aimé qu'Adam ne vienne jamais au monde.

«Ce n'est pas quelque chose de naturel quand vous pensez à vos enfants, mais mon Dieu, aucun doute, il ne peut y avoir qu'une conclusion quand vous y pensez. Cette réflexion est assez récente, mais aujourd'hui j'en suis là».