La moitié des Haïtiens sélectionnés pour le programme spécial de parrainage attendent encore leur visa à cause des demandes complexes d'Ottawa, dénonce la Maison Haïti.

«Le fédéral exige même parfois tests d'ADN pour vérifier l'identité des demandeurs», dénonce Meriem Mesli, intervenante de l'organisme communautaire.

Le programme de parrainage a été mis en place deux semaines après le séisme. «Aucun autre pays n'a fait une chose semblable. Même un représentant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés nous a félicités», se félicite la ministre de l'Immigration du Québec, Kathleen Weil.

Les frères et soeurs, demi-frères et soeurs, enfants de plus de 22 ans ainsi que leurs familles respectives sont éligibles. Québec doit d'abord accorder un certificat de sélection - 5978 ont été délivrés. Il devrait y en avoir 6500 d'ici la fin de l'hiver.

Une fois ce certificat obtenu, le demandeur doit obtenir un visa du fédéral. Les fonctionnaires vérifient alors s'il ne pose pas de problème de santé ou de sécurité. À cause de la lourdeur de ce processus, les sinistrés haïtiens ne réussissent pas à profiter du programme, regrette Marjorie Villefranche, directrice de la Maison Haïti.

«Ce devait être un programme d'urgence, mais deux ans après le séisme, environ 3000 personnes attendent encore. C'est un peu tard pour l'urgence.»

«Par exemple, le fédéral a demandé le consentement du père biologique d'une fille haïtienne qui voulait être parrainée, poursuit Mme Mesli. On a essayé d'expliquer aux fonctionnaires qu'il n'avait plus de contact avec sa fille, qu'il avait laissé sa famille. On a finalement dû diffuser un message à la radio haïtienne pour le retrouver. Et ça n'a pas marché.»

Elle ajoute que le fédéral demande des documents difficiles à obtenir, comme les certificats de bonne vie des policiers ou la copie originale du certificat de naissance. «Dans plusieurs cas, ces documents disparus dans les décombres. Et les autorités haïtiennes ont d'autre chose à faire en ce moment que de répondre à ces demandes», lance-t-elle.

On a aussi refusé les demandes de visa d'étudiants qui fréquentent des écoles de métiers professionnels, car ces écoles ne sont pas reconnues. «Ils étaient inscrits dans des établissements réguliers, mais à cause du séisme, ils ont été contraints de les quitter», avance Mme Mesli.

Elle avance que les demandes du fédéral deviennent de plus en plus exigeantes. «Depuis quelques mois, on exige que les demandeurs signent les formulaires. Ils font les expédier à Haïti, parfois dans des camps, puis les retourner au parrain. Ça peut être très long.»

La ministre Weil répond que le traitement des demandes s'est plutôt accéléré. En octobre 2010, seulement 19 visas avaient été émis. Elle a ensuite rencontré son homologue fédéral Jason Kenney, avec qui elle dit entretenir «d'excellentes relations». «Les choses se sont améliorées après cette rencontre, rapporte la ministre. Le nombre de visas décernés était passé à 3115 le mois dernier. Le fédéral a agi avec célérité».

Elle dit comprendre les vérifications du fédéral sur l'identité, la santé et le casier judiciaire des demandeurs.

«Les groupes communautaires ne sont pas en train de se plaindre à ma porte et mes fonctionnaires estiment que les choses avancent bien», se défend-elle.

Son critique péquiste, Yves-François Blanchet, qualifie son attitude de «honteuse». «Affirmer que les retards d'Ottawa sont acceptables est révoltant. (M. Charest) a fait des promesses au peuple haïtien il y a deux ans, mais la ministre Weil affirme maintenant qu'elle n'entend pas tout faire pour que cette promesse soit tenue», accuse-t-il.

Mme Weil rappelle que depuis le séisme, Québec a accueilli 8400 Haïtiens, toutes catégories d'immigration confondues (économique, programme de parrainage, réunification familiale et réfugiés).