Les négociateurs internationaux s'échinaient toujours dimanche soir à mettre en place les pièces du puzzle pour parvenir à un accord historique sur le nucléaire iranien avant mardi, dans une ambiance de plus en plus électrique au fur et à mesure que s'approche l'échéance.

Un accord est «possible», ont déclaré séparément et à quelques minutes d'intervalle des représentants des deux camps réunis à Lausanne.

Un accord avec l'Iran sur son programme nucléaire est «possible», mais il doit mettre la bombe atomique «hors de portée» de ce pays, a estimé en arrivant à Lausanne le chef de la diplomatie britannique Philipp Hammond, en disant espérer «un succès dans les heures à venir».

«Parvenir à un accord est faisable. Des solutions ont été trouvées sur de nombreuses questions. Nous travaillons encore sur deux ou trois questions et nous n'avons pas encore trouvé les solutions», a déclaré en écho le négociateur iranien Abbas Araghchi.

Les six chefs de la diplomatie des grandes puissances (États-Unis, Grande-Bretagne, Russie, France, Russie, Chine et Allemagne) sont réunis pour, selon un diplomate occidental, «donner la dernière poussée politique» susceptible de faire balancer une négociation sur le fil du rasoir.

«Le message des 6 à l'Iran, c'est qu'on est là pour réussir», a fait valoir ce diplomate. De son côté, le Russe Sergueï Lavrov, peu réputé pour être langue de bois, a déclaré à son arrivée qu'il n'était «pas payé pour être optimiste», avant d'entamer un entretien avec son homologue américain John Kerry.

Toute la journée, les bilatérales entre ministres et réunions de travail entre négociateurs se sont enchainées et, selon des diplomates occidentaux, un compromis s'esquissait sur plusieurs points clés de la négociation, assertion rejetée par la partie iranienne qui a répété que des questions devaient «toujours être réglées».

Compromis en vue sur des points clés 

L'un des points qui semble en passe de se régler concerne le nombre de centrifugeuses (machines permettant d'enrichir l'uranium) que l'Iran aurait accepté de voir réduit à 6.000, voire moins, selon une de ces sources occidentales. L'Iran dispose actuellement de quelque 19.000 centrifugeuses, dont la moitié sont en activité.

Par ailleurs, le site souterrain de Fordo, près de la ville sainte de Qom, cesserait d'enrichir de l'uranium, selon un autre diplomate, laissant entendre que le site pourrait continuer à fonctionner pour d'autres usages.

Selon ces sources, Téhéran aurait aussi accepté d'exporter tout ou partie de son stock d'uranium faiblement enrichi, qui se monte à environ 8.000 tonnes.

Ce dernier point a été catégoriquement démenti par M. Araghchi. «Nous n'avons pas l'intention d'envoyer les stocks d'uranium enrichi à l'étranger. Mais il y d'autres solutions pour créer la confiance à propos de ces stocks», a-t-il dit.

La question de l'enrichissement d'uranium est au coeur du dossier du nucléaire iranien. Les grandes puissances veulent s'assurer que l'Iran ne se dotera pas de la bombe atomique, en contrôlant étroitement ses activités nucléaires. En échange de quoi les sanctions internationales qui asphyxient l'économie iranienne depuis des années seraient progressivement levées.

Des problèmes subsistent  

La levée des sanctions justement, ainsi que la question de la recherche et du développement dans le domaine nucléaire sont les deux principaux sujets qui posent encore problème, selon des diplomates iraniens et occidentaux.

Téhéran demande la levée totale des sanctions internationales, particulièrement les mesures décidées par l'ONU, alors que pour les pays occidentaux cela ne peut se faire que graduellement.

L'Iran insiste aussi pour pouvoir faire de la recherche et du développement, notamment afin d'utiliser à terme des centrifugeuses plus modernes et plus puissantes pour enrichir l'uranium. Mais les pays occidentaux et Israël estiment que le développement à terme de telles centrifugeuses permettra à l'Iran de réduire le «breakout», temps nécessaire afin d'avoir suffisamment d'uranium enrichi pour fabriquer une bombe atomique.

Les deux parties semblent en désaccord sur la période pendant laquelle l'Iran ne pourra pas utiliser des machines plus modernes.

«Beaucoup de travail reste à faire», a déclaré dimanche le Français Laurent Fabius qui, à l'instar de l'Américain John Kerry et de l'Allemand Frank Walter Steinmeier, a bousculé son agenda afin de rester à Lausanne.

La date pour un accord final, incluant toutes les annexes techniques de ce dossier extrêmement complexe, est fixée au 30 juin. Mais la fin mars est une «étape très importante» pour permettre aux négociations de se poursuivre, reconnaissent plusieurs diplomates.

La possibilité d'une entente historique sur ce dossier, qui empoisonne la vie internationale depuis plus de 12 ans, a suscité une violente charge du Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou contre «un dangereux accord» qui permettrait à l'Iran de «conquérir» le Moyen-Orient.

«Le dangereux accord qui est négocié à Lausanne confirme à nouveau toutes nos inquiétudes, voire même au delà», a affirmé M. Nétanyahou qui se bat depuis des années pour mobiliser la communauté internationale contre le programme nucléaire iranien.