Le diplomate italo-suédois Staffan de Mistura va succéder à l'Algérien Lakhdar Brahimi comme médiateur de l'ONU dans le conflit syrien, une mission réputée impossible, selon des diplomates à l'ONU.

Cette nomination a été confirmée aux pays membres du Conseil de sécurité et devait être annoncée officiellement mercredi par le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.

Ce dernier a cependant déclaré à la presse mercredi soir que l'annonce de la succession de M. Brahimi prendrait davantage de temps, car il fallait consulter «les parties concernées». «Je vais faire une annonce très bientôt, mais pas aujourd'hui», a-t-il ajouté.

Selon un diplomate du Conseil, M. de Mistura représentera l'ONU - alors que M. Brahimi était envoyé spécial conjoint de l'ONU et de la Ligue arabe - et «il aura un adjoint arabe», non encore désigné.

Lakhdar Brahimi avait démissionné en mai dernier après deux ans d'efforts infructueux pour mettre un terme à un conflit qui a fait plus de 160 000 morts depuis mars 2011. Il avait organisé en janvier et février à Genève les premières négociations directes entre le gouvernement syrien et l'opposition, qui avaient échoué.

Son prédécesseur, l'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, avait jeté l'éponge au bout de six mois à peine, en 2012, blâmant le Conseil de sécurité pour sa désunion.

Staffan de Mistura, 67 ans, né à Stockholm, a la double nationalité italienne et suédoise. Ancien vice-ministre italien des Affaires étrangères, habitué des zones de conflit, il a occupé de nombreuses fonctions aux Nations unies, en particulier comme représentant spécial de l'ONU pour l'Afghanistan (2010-2011), pour l'Irak (2007-2009) et pour le Liban (2001-2004) et directeur adjoint du Programme alimentaire mondial (2009-2010). Il parle six langues, dont le français, l'allemand et l'arabe dialectal.

Pas de baguette magique

Le 20 juin dernier, M. Ban avait averti que le nouveau médiateur «n'aurait pas de baguette magique» pour régler le conflit. De fait, il hérite d'une mission jugée impossible par de nombreux diplomates.

Depuis la démission de M. Brahimi, le processus politique envisagé par l'ONU - un gouvernement de transition qui verrait le président Bachar al-Assad abandonner une partie de ses pouvoirs - est dans l'impasse. Bachar al-Assad a été réélu le 3 juin malgré les critiques occidentales, Damas a enregistré plusieurs succès militaires et le conflit a débordé sur l'Irak où les jihadistes de l'État islamique ont mené une offensive éclair.

La situation humanitaire s'aggrave : 10,8 millions de Syriens ont besoin d'aide, dont 6,6 millions d'enfants, et 2,9 millions de réfugiés syriens pèsent sur l'économie des pays voisins. Malgré les efforts de l'ONU pour que la population ait un meilleur accès aux secours - et une résolution du Conseil de sécurité, jamais appliquée - les humanitaires ont du mal à atteindre 4,7 millions de Syriens pris au piège des combats.

Enfin pour compliquer encore le tableau, les antagonismes restent forts au Conseil de sécurité entre les Occidentaux qui réclament un changement de régime et la Russie, qui défend obstinément son allié syrien.

Dans son discours du 20 juin, où il énonçait un plan en six points comme pour tracer la voie au nouveau médiateur, M. Ban réclamait un embargo sur les armes, «le droit à la justice» pour le peuple syrien ou encore «un accès humanitaire libre et immédiat». Mais il constatait aussi que la réélection de Bachar Al-Assad «a donné un coup supplémentaire au processus politique».

M. Ban a longtemps cherché un nouveau médiateur non seulement compétent, mais acceptable pour les principaux protagonistes. De nombreux noms ont circulé parmi lesquels ceux de l'Australien Kevin Rudd, de l'Italien Mario Monti ou du Brésilien Celso Amorim. Ou encore Sigrid Kaag, chargée du désarmement chimique de la Syrie, un des rares succès enregistrés dans la crise syrienne.