L'armée française a pris position dans la nuit de mardi à mercredi sur l'aéroport de Kidal, troisième grande ville du Nord du Mali, après avoir repris en 48 heures aux islamistes, avec l'armée malienne, Gao et Tombouctou, où des pillages ont été commis mardi.

«Un avion français s'est posé sur la piste de l'aérodrome de Kidal. Ils ont pris position sur l'aérodrome», a déclaré un responsable de l'administration locale, dont le témoignage a été confirmé par des notables touareg de la région et une source de sécurité régionale.

L'arrivée de soldats français à Kidal intervient après la reconquête, au côté de l'armée malienne et sans grande résistance, des deux plus grandes villes du Nord du Mali, Gao et Tombouctou, qui étaient aux mains de groupes islamistes armés qui y ont multiplié les exactions depuis plus de neuf mois.

Kidal, à 1500 km de Bamako, et sa région, dans l'extrême nord-est malien, près de la frontière algérienne, était le fief d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), dirigé par Iyad Ag Ghaly (ex-rebelle touareg), un groupe islamiste armé allié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Un groupe dissident d'Ansar Dine, le Mouvement islamique de l'Azawad (MIA), a récemment affirmé tenir Kidal avec les rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA). Le MIA a assuré rejeter le terrorisme et prôner une «solution pacifique» à la crise dans le nord du Mali.

Algabass Ag Intalla, notable touareg de la région de Kidal, responsable du MIA, a affirmé sa volonté de «dialogue» et assuré que son mouvement ne visait pas «l'indépendance» du nord du Mali.

Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes islamistes, dont Ag-Ghaly et l'Algérien Abou Zeïd, un des émirs d'Aqmi, se sont réfugiés dans les montagnes près de la frontière algérienne.

Des centaines de personnes ont fui Kidal vers des villages plus au nord, vers l'Algérie, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU, qui affirme que l'accès à la nourriture et aux biens de première nécessité a été sérieusement affecté par le conflit et la fermeture de la frontière.

A Tombouctou, au lendemain de l'entrée des soldats français et maliens, des centaines de personnes, visiblement très pauvres, ont attaqué des magasins tenus, selon elles, par «des Arabes», «des Algériens», «des Mauritaniens», accusés d'avoir soutenu les islamistes armés liés à Al-Qaïda.

«Observateurs internationaux»

Face au «risque d'exactions» et de représailles, le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a souhaité «le déploiement rapide d'observateurs internationaux» pour veiller «au respect des droits de l'homme».

Human Rights Watch (HRW) avait évoqué dès lundi «des risques élevés de tensions inter-ethniques» dans le Nord, où la rivalité est forte entre les minorités arabes et touareg souvent assimilées à des islamistes, et les Noirs, majoritaires au Mali.

Les témoignages se sont aussi multipliés sur la destruction de précieux manuscrits de Tombouctou datant de plusieurs siècles dans cette cité qui fut la capitale intellectuelle et spirituelle de l'islam en Afrique subsaharienne aux XVe et XVIe siècles et une prospère cité caravanière.

Le maire a parlé de «crime culturel» a propos de l'Institut Ahmed Baba, incendié par les islamistes, qui abritait entre 60 000 et 100 000 manuscrits, mais le nombre exact des manuscrits brûlés n'est pas connu.

L'opération sur Tombouctou est survenue deux jours après la prise de Gao, plus importante ville du nord et un des bastions islamistes, à 1200 km au nord-est de Bamako.

A Ansongo, à 80 km au sud de Gao, une centaine de pick-up et 4x4 surmontés de mitrailleuses et de véhicules blindés légers des armées nigérienne et malienne sont entrés en ville sous les vivats des habitants.

«Laissez-moi voir ces libérateurs!», criait une femme, au milieu des klaxons et des pancartes célébrant le Niger, le Mali et la France, dans cette ville occupée jusqu'à il y a peu par les islamistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao).

A Bamako, se projetant dans l'après-guerre, les députés ont voté mardi à l'unanimité la mise en place d'une «feuille de route» politique, qui prévoit une discussion avec certains groupes armés dans le cadre de la «réconciliation nationale».

La communauté internationale a régulièrement insisté auprès du régime de transition à Bamako sur la nécessité d'une «double approche», à la fois politique et militaire, pour résoudre la crise malienne.

La «feuille de route» ne fixe aucune date pour la tenue d'élections, mais le président malien par intérim Dioncounda Traoré a déclaré à Addis Abeba qu'il espérait qu'elles pourraient avoir lieu avant le 31 juillet.

A Addis Abeba, Union africaine (UA), Union européenne (UE), Japon, Etats-Unis et ONU participaient à une conférence des donateurs qui a levé 455,53 millions de dollars (338,6 M EUR), destinés aux besoins militaires et humanitaires du Mali.

Sur le terrain, 3500 soldats français et 1400 soldats ouest-africains, ainsi qu'un contingent tchadien, sont déployés au côté de l'armée malienne.

Au total, 8000 soldats africains sont attendus mais leur déploiement est ralenti par des problèmes de financement et de logistique.