Exaspérés, des centaines de migrants et réfugiés ont défié hier la police hongroise, qui tente par tous les moyens de leur barrer la route vers l'Allemagne. La confrontation, captée par des caméras, n'est que le dernier épisode d'une véritable campagne anti-migrants dans ce pays d'Europe centrale. Quatre mots pour comprendre.

Barrière

Selon le gouvernement hongrois, 160 000 migrants, en provenance pour la plupart de Syrie, d'Irak et d'Afghanistan, ont franchi la frontière du pays depuis le début de l'année. Les autorités font tout pour leur rendre la vie difficile. Une clôture de barbelés de quatre mètres de haut, qui s'étend sur les 175 km de la frontière avec la Serbie, est presque terminée et un nouveau corps policier, «les chasseurs de la frontière», y a été déployé. Les gares ont été interdites jusqu'à tout récemment aux migrants. Des camps ont aussi été mis sur pied pour «enregistrer» les nouveaux arrivants, mais se sont transformés en prisons à ciel ouvert. Au bout de leur rouleau, hier, les membres d'un groupe de 1500 migrants ont décidé de traverser le cordon policier à Röszke, dans le sud de la Hongrie, ce qui a donné lieu à des scènes de confrontation avec les policiers.



Loi

Bientôt, la barrière physique érigée par les autorités hongroises contre les migrants sera doublée d'une barrière législative. Adoptée vendredi par le Parlement à Budapest, la nouvelle loi entrera en vigueur le 15 septembre. En vertu de cette loi, un individu qui passe la frontière sans autorisation sera passible de trois ans de prison. Les autorités veulent aussi se réserver le droit de renvoyer les demandeurs d'asile vers la Serbie. Hier, le représentant du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) en Europe, Vincent Cochetel, a prédit que cette loi «conduirait au chaos». Interviewé par La Presse au cours des derniers jours, le directeur général de l'Organisation internationale des migrations (OIM) se montrait lui aussi perplexe à l'égard des politiques hongroises. «Si la Hongrie ne veut pas de migrants, elle n'a qu'à faciliter le passage vers d'autres pays», s'est indigné William Lacy Swing.



PHOTO NOEMI BRUZAK, AP

Le représentant du HCR en Europe, Vincent Cochetel.

Orban

Outrés par les positions du pays sur l'immigration, plusieurs médias européens montrent du doigt le premier ministre hongrois, Viktor Orban. Au pouvoir depuis 2010, ce dernier est à la tête du parti nationaliste conservateur Fidesz. Le reste de l'Europe l'a maintes fois critiqué pour ses tendances autoritaires, son amitié avec Vladimir Poutine, sa répression des médias et le triste sort réservé aux investisseurs étrangers dans son pays. Hier, le journal anglais The Guardian le surnommait «Orban le terrible» et rappelait que, dès le début de l'année, le premier ministre hongrois s'est lancé dans une croisade contre les migrants, notamment grâce à une campagne d'affiches. «Si vous venez en Hongrie, ne prenez pas les emplois des Hongrois», peut-on lire en hongrois sur les affiches. Le premier ministre a aussi tenu des propos désobligeants à l'égard des musulmans. Des experts estiment qu'en adoptant la ligne dure contre les migrants, Orban courtise son électorat et celui du principal parti d'opposition en Hongrie, Jobbik, une formation d'extrême droite néonazie.

Quota

La Hongrie de Viktor Orban est à la tête d'une coalition de pays d'Europe centrale qui s'opposent au système de quotas proposé par l'Union européenne pour répartir les nouveaux demandeurs d'asile dans ses 28 États-membres. La répartition prendrait en compte à la fois la population et la santé économique des pays. En plus de la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque et la Pologne s'opposent à la mesure défendue par l'Allemagne et la France. Hier, le secrétaire général des Nations unies a invité les pays d'Europe centrale à faire preuve de plus de solidarité à l'égard des réfugiés qui fuient les zones de conflit. L'Union européenne tiendra une grande réunion sur sa gestion de la crise des migrants le 14 septembre à Bruxelles.

PHOTO KACPER PEMPEL, ARCHIVES REUTERS

Le premier ministre hongrois Viktor Orban.