Les autorités européennes tentent de mettre le capot sur une nouvelle crise alimentaire, déclenchée cette fois par l'utilisation en Allemagne de plusieurs milliers de tonnes de graisse alimentaire contaminées à la dioxine.

Ces graisses ont servi à la production de dizaines de milliers de tonnes de nourriture pour animaux qui ont été utilisées à leur tour dans de multiples fermes aviaires et porcines, entrant du coup dans la chaîne alimentaire.

Jeudi, le ministère de l'Agriculture allemand a annoncé que les activités de près de 5000 exploitations agricoles du pays étaient suspendues jusqu'à ce que des tests aient permis de démontrer qu'elles échappent à la contamination.

De nouveaux résultats dévoilés hier par la BBC indiquent que des échantillons de nourriture pour animaux contaminés présentaient un taux de dioxine 77 fois supérieur au seuil autorisé, alors que les autorités parlaient jusque-là de taux trois ou quatre fois supérieurs à la norme.

Le système de traçabilité des aliments en vigueur à l'échelle européenne a été mis en oeuvre fin décembre, après que l'Allemagne eut sonné l'alarme pour retracer d'éventuelles exportations problématiques.

«Il n'y a aucune indication que la nourriture pour animaux contaminée a été exportée à l'étranger», a indiqué hier en entrevue Frédéric Vincent, porte-parole du commissaire européen à la Santé, John Dalli.

Oeufs contaminés

Un lot de 136 000 oeufs potentiellement contaminés a cependant été acheminé vers les Pays-Bas et utilisé dans des produits transformés qui ont été exportés à leur tour en Grande-Bretagne.

L'agence de sécurité alimentaire anglaise, après avoir nié mercredi l'arrivée possible sur le territoire de produits contaminés, a rectifié le tir hier. L'organisation a précisé que les oeufs contaminés avaient pu servir pour la production de quiches et de gâteaux déjà largement écoulés par les détaillants.

Les responsables sanitaires ont cherché à minimiser les risques pour la population en relevant que les oeufs provenant d'Allemagne avaient été mélangés avec d'autres produits qui ont largement dilué le taux de dioxine.

«Les experts sanitaires et médicaux ont dit qu'il faudrait consommer beaucoup d'oeufs contaminés pendant plusieurs jours pour être affectés», souligne M. Vincent.

En Allemagne, la pression monte sur l'entreprise à l'origine de la crise, Harles und Jentzsch, qui aurait utilisé des acides gras destinés à des applications industrielles pour sa production de graisses alimentaires.

La firme fait l'objet d'une enquête judiciaire. Des journaux allemands indiquent que ses dirigeants avaient obtenu dans les premiers mois de 2010 des résultats de tests démontrant l'existence d'un problème de contamination sans alerter les autorités sanitaires.

«Les indices en présence plaident plutôt jusqu'à présent pour une haute dose d'agissements criminels», a indiqué cette semaine un porte-parole du ministère de l'Agriculture allemand, qui demande à ce que de nouvelles mesures réglementaires soient prises à l'échelle européenne pour «séparer strictement» la production de graisses industrielles et de graisses alimentaires.

Le commissaire Dalli a déclaré jeudi que de telles mesures seraient étudiées prochainement pour éviter toute répétition du problème, qui constitue un véritable cauchemar pour les fermiers allemands ciblés par les contrôles sanitaires.

Les autorités européennes relèvent que la situation actuelle est «sans commune mesure» avec des crises passées comme celle de la vache folle, qui avait entraîné l'effondrement de la consommation de viande bovine à la fin des années 90. Plusieurs millions de bêtes avaient alors été abattues.