Aung San Suu Kyi, le chef de l'opposition birmane, s'est défendue mercredi de toute négligence à l'égard des minorités ethniques de Birmanie et s'est dite «triste» pour les Rohingyas.

«Je parle tout le temps des minorités ethniques. Mais mes déclarations ne sont pas assez originales pour plaire à tout le monde», a déclaré Mme Suu Kyi au cours d'une conférence de presse à Tokyo dans le cadre d'une visite au Japon.

Elle a souligné avoir souvent mis l'accent sur «les problèmes de réconciliation nationale» en Birmanie, alors que des défenseurs des minorités reprochent au Prix Nobel de la Paix de ne pas s'être fait assez entendre sur les récentes violences interethniques dans son pays.

Des émeutes entre bouddhistes et musulmans ont fait 43 morts en mars dans le centre du pays, menaçant le fragile équilibre d'une nation en pleine transition politique.

En 2012, dans l'ouest de la Birmanie, environ 180 personnes avaient été tuées et 120.000 déplacées dans des affrontements entre bouddhistes de l'ethnie rakhine et musulmans de la minorité apatride des Rohingyas, considérés par l'ONU comme l'une des minorités les plus persécutées de la planète Mme Suu Kyi a déclaré mercredi avoir rencontré des dirigeants musulmans et s'est dite «triste» de leur situation.

«C'est très triste parce qu'aucun d'entre eux n'a connu d'autre pays que la Birmanie. Ils ne se sentent appartenir à aucun autre endroit et vous êtes triste pour eux qu'ils ne parviennent pas à se sentir appartenir à notre pays non plus. C'est une situation très triste», a-t-elle jugé.

À la question de savoir si elle considérait les Rohingyas comme des citoyens à part entière de Birmanie, elle a répondu : «cela dépend s'ils respectent les critères de la citoyenneté prévus par la loi».

«Cela dit, nous devons étudier la loi sur la citoyenneté pour déterminer si elle respecte les normes internationales», a-t-elle ajouté, soulignant l'importance de respecter «l'État de droit».

Chris Lewa, directrice de l'Arakan Project, une association de défense des Rohingyas, dont le siège est à Bangkok, a expliqué à l'AFP que de nombreux musulmans de Birmanie étaient déçus par le manque de conviction de Mme Suu Kyi à les défendre.

«Les personnes comme Aung San Suu Kyi qui ont une autorité morale en Birmanie devraient prendre une position beaucoup plus nette en faveur des droits des minorités», a-t-elle jugé.

«Elle se réfère tout le temps à l'État de droit, mais ce n'est pas suffisant, il faut protéger les minorités, mais elle n'a rien dit à ce sujet, elle n'a pas condamné non plus les attaques de façon claire. Il faudrait qu'elle prenne une position beaucoup plus catégorique en tant que championne des droits de l'homme», a espéré Mme Lewa.

«Les Rohingyas, mais les autres musulmans aussi sont déçus qu'elle ne prenne pas position (en leur faveur). Les Rohingyas avaient gardé un espoir qu'elle pourrait améliorer leur sort, et là, ils sont en train de perdre cet espoir qu'elle puisse jouer ce rôle. C'est très décevant», a-t-elle regretté.

Mme Suu Kyi a passé 15 ans en résidence surveillée à Rangoun, avant de recouvrer sa liberté de mouvement et de pouvoir voyager de nouveau à l'étranger à partir de 2012. Elle s'est rendue en Thaïlande, en Europe (Norvège, Grande-Bretagne et France), ainsi qu'aux États-Unis, en Inde et en Corée du Sud, avant de venir au Japon pour une semaine.