L'Asie du sud-est, souvent perturbée dans le passé par la Birmanie, s'est gardée de toute pression sur la junte lors de son sommet ce week-end, se contentant de faire passer les messages des militaires et de soutenir la nouvelle politique américaine.

Les dix membres de l'Association des nations d'Asie du sud-est (Asean) n'ont pas mentionné Aung San Suu Kyi dans leur déclaration finale, préférant soutenir un régime qui a entamé ces dernières semaines un début de dialogue, et avec l'Occident, et avec l'opposante.

«Tout le monde est d'accord pour aider la Birmanie à aller de l'avant dans le respect de la feuille de route qui conduira à la démocratie», a déclaré le premier ministre thaïlandais, Abhisit Vejjajiva.

Le sommet qui se tenait à Hua Hin, au sud de la Thaïlande, s'était ouvert sur la création d'une Commission inter-gouvernementale des droits de l'Homme (AICHR), qualifiée d'«historique».

Mais les organisations de défense des droits de l'Homme l'ont jugé inopérante, stigmatisant la faiblesse du bloc vis-à-vis de son membre le plus embarrassant depuis son intégration, en 1997.

«Tout ça est une farce», a estimé David Mathieson, de l'organisation Human Rights Watch. «Il est impossible que l'Asean conserve la moindre crédibilité en faisant des courbettes aux dirigeants birmans».

Mme Suu Kyi purge actuellement une peine de 18 mois supplémentaires d'assignation à résidence, confirmée en appel début octobre.

Après avoir écrit une lettre à l'homme fort de la junte, le généralissime Than Shwe, elle a rencontré depuis à deux reprises le ministre et officier de liaison du régime, Aung Kyi, avant de s'entretenir avec des diplomates étrangers sur les sanctions occidentales.

Ces discussions coïncident avec l'initiative des États-Unis de reprendre des contacts directs avec les militaires et l'envoi dans les semaines à venir d'une mission à Rangoun.

Du coup, l'Asean et ses partenaires (Chine, Japon, Corée du Sud, Inde, Nouvelle-Zélande, Australie) ont surtout fait passer des messages rassurants.

Samedi, un responsable japonais a relayé une intervention du premier ministre birman Thein Sein, selon lequel la junte pourrait alléger les conditions de détention de Mme Suu Kyi si elle conserve «une attitude positive».

Dimanche, Abhisit Vejjajiva a poursuivi en assurant que le même Thein Sein était «optimiste sur le fait qu'elle puisse elle aussi contribuer au processus de réconciliation nationale».

L'hôte du sommet s'est par ailleurs félicité de la diplomatie américaine, saluant «les signes de dialogue plus profonds en réponse à certaines évolutions en Birmanie».

Manmohan Singh, son homologue indien, voisin de la Birmanie, a lui aussi affiché son enthousiasme en évoquant «l'espoir» d'une «normalisation avec les États-Unis» et en espérant que les élections en 2010 «permettent la réconciliation des différents segments de la société» birmane.

Cette sérénité butait pourtant sur le scepticisme de tous ceux qui craignent un retournement des militaires de Naypyidaw.

Selon Bridget Welsh, spécialiste de l'Asie du sud-est à l'Université de gestion de Singapour, la relative détente à Rangoun a surtout facilité la position de l'Asean.

«Le changement d'approche des États-Unis réduit la pression sur l'Asean», estime l'analyste. La région «a eu habituellement un impact limité sur les réformes en Birmanie et cela risque de durer».