(Brasilia) Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken doit rencontrer Lula mercredi à Brasilia pour sa première visite au Brésil, quelques jours après les propos polémiques du président brésilien comparant la guerre à Gaza à la Shoah.

Le secrétaire d’État, qui se rendra également en Argentine lors de cette tournée sud-américaine, est arrivé en début de soirée mardi dans la capitale brésilienne, où il aura dans la matinée un entretien qui s’annonce animé avec le président Luiz Inacio Lula da Silva.

Ce dernier a accusé dimanche Israël, qui bénéficie du soutien militaire et diplomatique des États-Unis, de commettre un « génocide » des Palestiniens dans la bande de Gaza, en comparant l’offensive israélienne à l’extermination des Juifs par les nazis. Israël l’a déclaré « persona non grata ».

Ces déclarations sont les plus virulentes jamais formulées sur le conflit en cours entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas par Lula, éminente voix des pays du Sud, au moment où le Brésil assure la présidence tournante des pays du G20.

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Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva

Mardi, la tension est encore montée entre Israël et le Brésil. Le ministre brésilien des Affaires étrangères Mauro Vieira a accusé son homologue israélien de « mensonges ». Le chef de la diplomatie israélienne Israël Katz avait un peu plus tôt accusé Lula de se livrer à une comparaison « immorale, délirante » entre la guerre à Gaza et la Shoah.

Tandis que le secrétaire d’État américain était en route vers le Brésil, son porte-parole a déclaré mardi que les États-Unis étaient « évidemment en désaccord » avec les propos de Lula, Matthew Miller ajoutant que « nous ne pensons pas qu’il y [ait] un génocide à Gaza ».

Le président colombien Gustavo Petro a lui exprimé mardi sur le réseau social X son « entière solidarité » avec son homologue brésilien, accusant à son tour Israël de commettre un « génocide » des Palestiniens dans la bande de Gaza.

« Conversation dynamique »

Des responsables américains avaient dit vendredi s’attendre à une « conversation dynamique » entre Antony Blinken et le chef d’État brésilien.

Antony Blinken doit également prendre part à une réunion mercredi et jeudi des ministres des Affaires étrangères du G20 à Rio de Janeiro, à laquelle son homologue russe Sergueï Lavrov est aussi attendu.

Aucune rencontre n’est officiellement programmée et elle semble peu probable dans le contexte de stupeur provoquée par la mort vendredi en prison de l’opposant russe Alexeï Navalny. Les pays occidentaux, États-Unis en tête, ont accusé la Russie d’en être « responsable ».

Lors de la dernière réunion des ministres des Affaires étrangères du G20, à New Delhi en mars 2023, M. Blinken avait eu sa seule rencontre en tête-à-tête avec le chef de la diplomatie russe depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022.

M. Blinken, qui multiplie les tournées internationales, se rend pour la première fois au Brésil depuis sa nomination il y a trois ans.

La relation entre les États-Unis et la première économie d’Amérique latine s’est nettement réchauffée depuis le retour au pouvoir de Lula en 2023, qui a succédé au président d’extrême droite Jair Bolsonaro, proche de Donald Trump.

Le président de gauche, 78 ans, s’est, lui, déjà rendu à Washington pour rencontrer le président démocrate Joe Biden.  

Désaccord sur l’Ukraine et le Venezuela

Les deux dirigeants partagent de mêmes ambitions de lutte contre le réchauffement climatique, de défense des droits du travail et des valeurs démocratiques, mais de nombreux autres points les séparent. À commencer par l’Ukraine.

Lula s’oppose à la politique d’isolement de la Russie adoptée par Washington depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, estimant que le président ukrainien Volodymyr Zelensky et les puissances occidentales ont une part de responsabilité dans la guerre.

L’autre grand sujet de contentieux est le Venezuela : le président Lula est resté silencieux, contrairement aux Américains, face au refus du président vénézuélien Nicolas Maduro d’autoriser les candidats de l’opposition à se présenter aux élections.

Le Brésil a « des liens et des connexions importants avec [l’administration] Maduro et est en mesure de lui faire passer des messages clés », a cependant souligné vendredi Brian Nichols, haut responsable du département d’État pour l’Amérique latine.

M. Blinken devrait aussi sonder les pays partenaires sur un soutien à Haïti, en proie à une grave crise sécuritaire et humanitaire, alors que la communauté internationale peine à rassembler une force de police multinationale sous l’égide du Kenya.

En Argentine vendredi, Antony Blinken rencontrera le nouveau président ultralibéral Javier Milei, arrivé à la tête du pays en décembre, connu pour ses sorties provocatrices et souvent comparé à Donald Trump.