Le président brésilien élu, Jair Bolsonaro, a dessiné les contours de son futur gouvernement d'extrême droite, avec notamment un grand ministère de l'Économie et la fusion annoncée des portefeuilles de l'Agriculture et de l'Environnement, immédiatement critiquée par des associations écologistes.

Pour le ministère de la Justice, le président élu a fait un appel du pied à Sergio Moro, figure emblématique de la lutte anticorruption, qui s'est dit « honoré » dans l'attente d'une proposition formelle.

M. Bolsonaro, qui entrera en fonctions le 1er janvier, a également évoqué la possibilité de proposer au magistrat un poste de juge de la Cour suprême, qui sera à pourvoir durant son mandat.

Le juge Moro s'est notamment illustré en condamnant en première instance l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, qui purge une peine de 12 ans et un mois de prison depuis avril pour corruption passive et blanchiment.

À l'issue d'une réunion, mardi, de Jair Bolsonaro avec ses proches conseillers à Rio de Janeiro, le député Onyx Lorenzoni, présenté comme le futur chef du gouvernement, a confirmé la réduction du gouvernement à « 15 à 16 ministères », contre une trentaine actuellement.

Cela implique la fusion de plusieurs ministères. « L'Agriculture et l'Environnement feront partie du même ministère, comme prévu au départ », a précisé M. Lorenzoni.  

Pourtant, M. Bolsonaro avait indiqué quelques jours avant le second tour être « ouvert à la négociation » sur ce point très controversé de son programme.

Chili, Israël, États-Unis

Les écologistes considèrent que cette fusion reviend à sacrifier la protection de l'environnement aux intérêts du puissant lobby de l'agrobusiness, qui soutient ouvertement le président élu.

Cette mesure inquiéterait même des représentants de ce lobby, qui craignent des sanctions commerciales de pays étrangers sur les exportations brésiliennes de viande ou de soja, deux productions aux lourdes conséquences environnementales.

L'écologiste Marina Silva, ex-ministre de l'Environnement et candidate à la présidentielle, a qualifié cette fusion de « désastre », estimant sur Twitter qu'« une ère tragique s'ouvre où la protection de l'environnement est égale à zéro ».

Pour Greenpeace, cette fusion est une « grande erreur » dans « un pays qui a la plus grande biodiversité de la planète et la plus grande forêt du monde », l'Amazonie, et qui ainsi « se tire une balle dans le pied d'un point de vue économique ».

Autre fusion, autre confirmation d'une promesse de campagne : Paulo Guedes, gourou ultralibéral de M. Bolsonaro, a assuré qu'il serait à la tête d'un super-ministère de l'Économie, qui réunira les ministères actuels des Finances, de la Planification, de l'Industrie et du Commerce extérieur.

La semaine dernière, après une réunion avec des représentants des secteurs industriels et agricoles, il avait pourtant affirmé qu'il maintiendrait les portefeuilles de l'Industrie et du Commerce extérieur séparés de celui de l'Économie.

La Bourse de Sao Paulo a clôturé mardi en hausse de 3,69 %.

La composition du gouvernement Bolsonaro avance : « environ 80 % des postes de ministres ont déjà été attribués », a fait savoir Gustavo Bebianno, autre éminence grise de Jair Bolsonaro, qui a participé à la réunion.

Les déplacements du président élu se dessinent aussi. Sur le plan intérieur, il a indiqué lundi qu'il irait la semaine prochaine à Brasilia pour rencontrer le chef d'État sortant, Michel Temer. Ses premiers voyages à l'étranger seront au Chili, en Israël et aux États-Unis, des pays « qui partagent notre vision du monde », a affirmé Onyx Lorenzoni.

Endoctrinement

L'opposition s'est manifestée mardi soir à Sao Paulo, où des milliers de personnes ont chanté « Pas lui » [Bolsonaro], « lui jamais », sous la surveillance de nombreux policiers militaires.

Et une nouvelle polémique a surgi : la Fondation Joao Pinheiro, un institut public d'enseignement lié à l'État du Minas Gerais, dans le sud-est, a demandé à la justice d'enquêter sur une vidéo qui montre Jair Bolsonaro accuser nommément certains de ses professeurs de défendre les régimes de Cuba et de Corée du Nord devant leurs élèves.

Dans cette vidéo non datée, Jair Bolsonaro affirme face caméra, après avoir énuméré les identités de huit professeurs : « Si nous vivions dans le régime que vous défendez, nous ne pourrions pas voir ce message sur cet appareil merveilleux, qui n'est pas fabriqué en Corée du Nord ou à Cuba. Ouvrez les yeux  ! Arrêtez de vous bercer d'illusions  ! » 

Le Ministère public avait déjà ouvert une enquête contre Ana Caroline Campagnolo, une députée du PSL de l'État de Santa Catarina, dans le sud, pour avoir incité sur Facebook les étudiants à filmer et dénoncer les professeurs « irrités » par le résultat de l'élection présidentielle de dimanche, et qui cherchent à « endoctriner » leurs élèves. Le procureur a estimé que Mme Campagnolo avait fait preuve de « harcèlement moral » avec son appel.