Glenda Lagos, 45 ans, est au bord des larmes lorsqu'elle évoque sa fille Belckys seulement âgée de 17 ans, partie avec la « caravane » des migrants honduriens en quête du « rêve américain », loin de la misère et de la violence de son quartier de Tegucigalpa, où règne la loi criminelle des bandes de délinquants.

Elle est partie « parce qu'ici il n'y a pas d'emploi et beaucoup de violence », résume Glenda en recevant les journalistes de l'AFP dans sa masure du quartier Los Pinos, dans les faubourgs de Tegucigalpa.

La « caravane » d'environ 2000 migrants est partie le 13 octobre à l'aube de San Pedro Sula, à 180 km au nord de la capitale hondurienne. Beaucoup d'autres se sont joints au cortège en cours de route, comme Belckys Lagos.

La jeune fille est bien loin d'être une « criminelle » ou une « terroriste », comme le président américain Donald Trump qualifie les migrants honduriens. Le président hondurien Juan Orlando Hernández dénonce, lui, une manipulation de son opposition pour le mettre en difficulté.

Pas le choix

Les membres de la « caravane » interrogés par l'AFP nient farouchement toute motivation politique, même s'ils dénoncent souvent l'impéritie du gouvernement. Pour eux, c'est simple : ils n'ont pas le choix, pris en étau entre chômage et criminalité galopante. Presque tous ont en mémoire un parent, un proche ou un ami qui a été victime des gangs : les mêmes raisons qu'invoque Glenda Lagos pour expliquer le départ de sa fille.

En arrivant dans le quartier, l'équipe de l'AFP a vu s'enfuir un groupe de jeunes délinquants qui vendaient de la drogue, à l'approche de ce qu'ils ont cru être une voiture de police banalisée.

« Moi aussi, j'allais partir, avec deux enfants de six et 12 ans, mais j'ai eu un problème », assure Glenda, qui demanderait bien à sa fille de revenir : « ça tourne mal », commente-t-elle, en évoquant les menaces du président américain, décidé à barrer la route à la colonne de migrants.

La quadragénaire vit dans sa masure de cinq mètres carrés avec ses six enfants, dont deux garçons de 20 et 22 ans. Tous doivent s'entasser là, avec deux lits. Un réchaud à gaz sert à faire la cuisine.

Le gouvernement « ne nous aide pas. Il ne s'occupe pas des pauvres », se lamente Glenda, dont la famille vit essentiellement des 82 dollars versés mensuellement par une voisine pour s'occuper de sa fille de deux ans.

Le petit-fils de 19 ans de Luisa Mejía, une voisine de Glenda, 66 ans, est lui aussi parti avec la « caravane ». « Il n'y a pas de travail. Ici ça va très mal », explique la grand-mère. « J'espère qu'il m'aidera. Il m'a dit qu'il allait m'aider », dit Luisa, qui vit avec sa fille Julissa âgée de 25 ans dans une cabane de torchis et de tôles. « Nous faisons des galettes (de maïs). On mange au jour le jour », se résigne la sexagénaire.

Pour Linder Reyes, un travailleur social de 25 ans qui connaît bien le quartier, il ne fait aucun doute que ce sont bien le chômage et la violence qui poussent les gens à partir.

Stigmatisés

« Beaucoup de quartiers sont considérés comme à haut risque ». En conséquence  les employeurs « nous stigmatisent comme des délinquants, des membres de gangs, des voleurs », et n'embauchent pas..., explique-t-il. « S'il y avait du travail décent, les gens ne partiraient pas », dit-il.  

Le taux de chômage est de 7 %, selon le ministère hondurien du travail. Mais c'est surtout le sous-emploi, qui touche 44 % de la population active, qui porte préjudice à ce petit pays de près de neuf millions d'habitants, laissant les familles sans ressources suffisantes.

Près de sept personnes sur dix y vivent sous le seuil de pauvreté. Et le taux de criminalité est toujours très élevé, même s'il a baissé au cours des deux dernières années de 60 à 43 homicides pour 10000 habitants, selon les statistiques de l'Observatoire national universitaire.