(Abidjan) Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a affirmé lundi la détermination des États-Unis à renforcer les relations avec l’Afrique en entamant par le Cap-Vert une tournée sur la côte occidentale du continent où la Chine et la Russie livrent une âpre concurrence aux États-Unis.

Le chef de la diplomatie américaine a effectué lundi une rapide escale au Cap-Vert avant de rejoindre la Côte d’Ivoire où il est arrivé dans l’après-midi.

A sa descente d’avion, il s’est directement rendu dans un stade d’Abidjan pour assister à un match déterminant pour la Côte d’Ivoire, hôte de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui a été écrasée par la Guinée Équatoriale 4 à 0. Il se rendra ensuite au Nigeria et en Angola.

Ses hôtes ont offert un maillot à son nom à M. Blinken, fan de soccer, qui a estimé que le sport était « un autre moyen de construire des ponts entre les États-Unis et l’Afrique ».

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Antony Blinken a reçu un chandail à son nom des mains du premier ministre ivoirien Robert Beugre Mambe (à droite) alors qu’il assistait à un match de la Coupe d’Afrique des nations.

Le président Joe Biden avait reçu en 2022 les dirigeants africains pour manifester un regain d’attention américain pour le continent. Il avait promis de se rendre en Afrique en 2023, mais n’a pas concrétisé cet engagement.

M. Blinken a cependant repris les mots de M. Biden pour dire : « Nous mettons le paquet sur l’Afrique ».

« Notre avenir est lié, notre prospérité est liée, et les voix venues d’Afrique modèlent, animent et mènent de plus en plus le débat dans le monde », a-t-il dit au Cap-Vert. « Les États-Unis sont résolus à approfondir, renforcer et élargir les partenariats à travers l’Afrique », a-t-il insisté.

Il a présenté l’archipel lusophone d’environ 500 000 habitants comme un « modèle de stabilité » et « une voix puissante sur les grands principes ».

Le conflit en Ukraine et le soutien de Washington à Kyiv face à Moscou ont divisé les pays africains. Le premier ministre cap-verdien Ulisses Correia e Silva a déclaré que son pays « condamne fermement » l’invasion russe. Il a aussi critiqué les coups d’État que l’Afrique a connus ces dernières années, et affirmé que le Cap-Vert était « guidé par les valeurs de la démocratie libérale ».

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Le secrétaire d’État Antony Blinken et le premier ministre cap-verdien Ulisses Correia e Silva se sont rencontré à Cabo Verde, le 22 janvier.

Les États-Unis ont accordé quelque 150 millions de dollars au Cap-Vert à travers deux programmes, incluant l’expansion du port de la capitale Praia, l’amélioration de routes et du système de distribution d’eau potable. Un troisième programme d’aide est à l’étude.

Le stade Alassane Ouattara d’Ebimpé où M. Blinken a assisté au match entre la Côte d’Ivoire et la Guinée Équatoriale a été construit avec le soutien de la Chine ; le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi est d’ailleurs venu à Abidjan la semaine passée.  

Situation préoccupante au Sahel

C’est la première visite de M. Blinken en Afrique subsaharienne depuis mars 2023. Depuis lors, le paysage politique a changé.

À l’époque, il s’était rendu au Niger pour soutenir le président désigné Mohamed Bazoum dans ce pays où les États-Unis comptent plus de mille soldats et des bases de drones pour la lutte contre les djihadistes.  

Mais quatre mois plus tard, M. Bazoum a été renversé par un coup d’État militaire et le nouveau régime cherche à diversifier ses partenaires : les soldats français ont été chassés et les liens se renforcent avec Moscou.  

La Russie a développé son influence dans plusieurs pays d’Afrique francophone ces dernières années, avec notamment la présence du groupe paramilitaire Wagner en Centrafrique et au Mali et des relations privilégiées avec le Burkina Faso.  

La situation sécuritaire au Sahel demeure préoccupante : les groupes djihadistes liés à Al-Qaïda ou à l’État islamique mènent toujours des attaques sanglantes au Mali, au Burkina et au Niger, trois pays dirigés par des militaires arrivés au pouvoir lors de coups d’État.  

Au Niger, les Américains ont pour le moment gardé leur base et leurs soldats, mais Washington réfléchit à d’autres options, dans des pays côtiers plus stables notamment.  

Lors de cette visite ouest-africaine, Antony Blinken va aider les pays « sur tous les fronts pour renforcer leurs sociétés et lutter contre l’expansion de la menace terroriste que l’on observe au Sahel », explique Molly Phee, sous-secrétaire d’État pour l’Afrique qui s’est rendue au Niger en décembre.  

Il va également encourager les pays à faire de la « sécurité des civils lors d’opérations militaires et la promotion des droits de l’homme et du développement des communautés », une priorité, a-t-elle ajouté devant la presse.

En Côte d’Ivoire, M. Blinken entend saluer la consolidation de la démocratie depuis l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara en 2011, qu’il doit rencontrer mardi.

Le pays a retrouvé une relative stabilité après une grave crise postélectorale en 2010-2011 qui a fait plus de 3000 morts.  

Frontalier du Mali et du Burkina, il a pour l’heure réussi à endiguer la menace djihadiste. Le dernier incident lié à ces groupes armés dans le nord du pays remonte à début 2021.  

L’administration Biden a annoncé l’an dernier un plan sur dix ans afin d’encourager la stabilité et éviter les conflits au Bénin, Ghana, Guinée, Côte d’Ivoire et Togo, des pays côtiers qui sont dans le viseur des groupes djihadistes.