La quête d’énergie propre fait exploser la demande planétaire de cobalt et de cuivre, deux minéraux abondants en République démocratique du Congo (RDC). La situation favorise une expansion de l’activité minière parfois lourde de conséquences pour la population du pays, dénonce Amnistie internationale dans un nouveau rapport.

Des réserves colossales

PHOTO JUNIOR KANNAH, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un mineur observe une pierre de cobalt dans une mine artisanale de Shabara, près de Kolwezi.

Le sous-sol de la RDC regorge de minéraux essentiels pour soutenir la transition énergétique en cours, y compris des réserves colossales de cuivre et de cobalt situées dans la région de Kolwezi, dans le sud du pays. Près de 500 000 personnes vivent dans la ville, située au cœur d’une zone d’exploitation minière où sont notamment actives plusieurs compagnies internationales, parfois en association avec la société d’État minière du Congo. La découverte de nouveaux filons et l’expansion d’installations existantes entraînent régulièrement le déplacement de résidants et a mené à de graves abus, selon Amnistie internationale qui a mené enquête de concert avec une organisation locale, l’Initiative pour la bonne gouvernance et les droits humains (IBGDH).

Droit international et réglementation

SOURCE : RAPPORT ALIMENTER LE CHANGEMENT OU LE STATU QUO ?, D’AMNISTIE INTERNATIONALE, INFOGRAPHIE LA PRESSE

Le rapport des deux organisations note que le droit international et la réglementation congolaise précisent que les expulsions ne peuvent être utilisées qu’en dernier recours et doivent être menées en consultation avec les populations concernées. Elles doivent prévoir un délai de préavis substantiel et comporter une indemnisation suffisante. Le Code minier en vigueur dans le pays précise que les investisseurs qui jugent nécessaire de déplacer des personnes en raison de « l’impossibilité de cohabitation » avec les activités minières de leur entreprise doivent procéder à leur réinstallation dans de nouveaux locaux de qualité équivalente ou supérieure et offrir des terres en compensation pour celles qui seront détruites dans le processus.

Règles bafouées

PHOTO CAROLINE THIRION, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Site du projet minier de Kamoa-Kakula, près de Kolwezi

Les procédures suivies dans plusieurs cas considérés par les enquêteurs d’Amnistie et de l’IBGDH ne répondaient pas pleinement à ces exigences. En 2016, la Compagnie minière de Musonoïe Global, contrôlée par une multinationale chinoise, a expulsé une cinquantaine de familles. Plusieurs se sont plaintes d’avoir été contraintes de signer rapidement sans le comprendre un protocole d’accord prévoyant une indemnisation insuffisante pour se reloger correctement. Un consortium incluant la firme canadienne Ivanhoe Mines est aussi critiqué dans le rapport sous prétexte notamment que des personnes vivant près du projet minier de Kamoa-Kakula ont été relogées dans des maisons trop petites ne comprenant ni eau ni électricité. Le consortium assure avoir mené le processus conformément à ses obligations.

Relogées par la force

PHOTO CAROLINE THIRION, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Vue de Kolwezi, ville minière dans le sud de la République démocratique du Congo

Les organisations de défense des droits de la personne ont aussi recensé deux cas où des personnes vivant près de projets miniers affirmaient avoir été relogées par la force avec l’aide de soldats congolais. Une telle situation se serait notamment produite en 2016 à l’intérieur d’une concession minière exploitée par Chemaf, une firme située aux Émirats arabes unis qui nie tout dérapage. Selon Amnistie internationale, l’analyse d’images satellite montre qu’un village informel regroupant des centaines d’habitations a été rasé à cette époque. Des agriculteurs vivant à proximité d’une mine exploitée par une autre firme, Metalkol, ont affirmé par ailleurs qu’ils avaient été intimidés par des militaires et contraints il y a quelques années à accepter des accords d’indemnisation abusifs.

Une commission d’enquête recommandée

PHOTO FRANCOIS MORI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Un employé travaille sur des batteries destinées à des voitures électriques dans une usine d’un constructeur automobile français, près de Paris.

En réponse aux situations observées sur le terrain, les auteurs du rapport pressent les autorités congolaises de « renforcer et faire appliquer » les lois relatives aux activités minières pour empêcher toute éviction forcée. Ils suggèrent aussi de mettre sur pied une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur les abus recensés. Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnistie internationale, relève que la RDC est bien placée pour jouer un rôle central dans l’abandon des énergies fossiles. Il faut cependant éviter, dit-elle, que les droits fondamentaux de ses citoyens « soient piétinés dans la course à l’extraction des minerais » engagée pour y parvenir.