(Addis Abeba) Une semaine après l’annonce d’une « trêve humanitaire », 13 camions d’aide alimentaire, le premier convoi routier à rejoindre le Tigré en trois mois, sont arrivés vendredi à Mekele, capitale de cette région éthiopienne théâtre d’un conflit depuis novembre 2020 et menacée de famine.

« D’autres camions et du carburant suivront » samedi matin, a indiqué le Programme alimentaire mondial (PAM), précisant que le convoi transportait « plus de 500 tonnes de nourriture et denrées nutritionnelles ».

Ce « premier convoi humanitaire à arriver dans la région du Tigré depuis fin décembre » est un « progrès notable mais il y a besoin de plus — un flux quotidien et sans encombres de convois est nécessaire pour répondre aux besoins de cinq millions de personnes », souligne l’organisation onusienne.

Un convoi de 20 camions, accompagné d’un camion-citerne de carburant, est parti jeudi de Semera, capitale de la région voisine de l’Afar, avant d’être bloqué par les forces régionales afar, a expliqué à l’AFP une source humanitaire. Il a pu reprendre la route vendredi.

Depuis plusieurs jours, Addis Abeba et rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui s’affrontent depuis bientôt 17 mois, s’accusaient mutuellement de bloquer les convois d’aide, malgré une « trêve humanitaire » annoncée le 24 mars.

Jeudi, le gouvernement éthiopien avait annoncé que 21 camions du PAM avaient « commencé à transporter de l’aide humanitaire vers la région du Tigré », en traversant l’Afar.

« Pénurie extrême »

Aucune aide n’a été acheminée au Tigré par la route depuis mi-décembre, en raison de combats et de l’insécurité dans l’Afar, dont une partie est occupée par le TPLF.

Seuls des produits médicaux et de nutrition sont arrivés par les airs, en bien plus faible quantité que ce qu’autorisent les convois routiers.

« C’est un grand pas dans la bonne direction. L’important, cependant, ce n’est pas le nombre de camions autorisés (à rejoindre le Tigré), mais si un système est en place pour garantir un accès humanitaire sans entraves à ceux qui en ont besoin », a réagi le porte-parole du TPLF, Getachew Reda.

Quelque 4,6 millions de personnes, soit 83 % des six millions d’habitants du Tigré, sont en situation « d’insécurité alimentaire », tandis que deux millions souffrent d’une « pénurie extrême de nourriture », estimait le PAM en janvier.

En outre, faute de carburant, de vivres et de liquidités, les opérations humanitaires au Tigré — où plus de 400 000 personnes ont été déplacées par le conflit-sont quasiment interrompues depuis mi-février, selon l’ONU. Et les services de base (télécommunications, internet, électricité, banque…) y sont à l’arrêt depuis plusieurs mois.

Il aura fallu huit jours, depuis l’annonce de la trêve, pour que le convoi, stationné depuis des semaines à Semera, se mette en mouvement.

Le PAM indiquait pourtant depuis une semaine « se tenir prêt » à faire partir ses camions vers le Tigré, « dès qu’un accès sûr et sans restriction sera garanti par toutes les parties ».

Jeudi, une source humanitaire avait indiqué à l’AFP que le PAM avait reçu l’autorisation du gouvernement fédéral et attendait « le feu vert » des autorités régionales de l’Afar, ainsi que des « assurances que les milices et populations (de l’Afar) laisseront passer le convoi ».

Plusieurs convois d’aide ont été pillés par le passé par des habitants de l’Afar.

Ces derniers jours, « concrètement il manquait l’autorisation des autorités afar » qui réclament, comme le gouvernement fédéral, que le TPLF se retire de la région, selon cette source.

Pressions diplomatiques

Les États-Unis ont salué l’afflux de l’aide, « un pas important », appelant tous les belligérants à « assurer la sécurité du personnel humanitaire ».

« Nous exhortons toutes les parties à s’appuyer sur ce développement humanitaire positif pour prendre de nouvelles mesures difficiles afin de parvenir à la paix dans le nord de l’Éthiopie », a dit le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken dans un communiqué.

Washington a multiplié les pressions diplomatiques pour permettre le passage de l’aide et mercredi, la chargée d’affaires américaine en Éthiopie, Tracey Jacobson, a rencontré à Semera le président de l’Afar, Awol Arba, qui avait plusieurs fois affirmé publiquement qu’il ne laisserait pas passer l’aide à destination du Tigré.

Le conflit — dont le bilan est inconnu-a commencé quand le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed y a envoyé l’armée fédérale destituer les autorités du TPLF, parti qui administrait la région après avoir dirigé l’Éthiopie durant près de 30 ans.

Prix Nobel de la paix 2019, M. Abiy accusait le TPLF, qui contestait son autorité depuis des mois, d’avoir attaqué des bases de l’armée fédérale au Tigré.

Après avoir pris Mekele en un mois, l’armée éthiopienne a été chassée du Tigré courant 2021 par une contre-offensive du TPLF et le conflit, marqué par de nombreuses exactions de chaque camp, s’est propagé à l’Afar et à l’Amhara voisines.