(Genève) De nombreux pays occidentaux ont fait part lundi de leur grande préoccupation face aux violations persistantes des droits de l'homme en Érythrée et à celles commises par l’armée érythréenne dans la région éthiopienne du Tigré.

Les diplomates se sont exprimés à l’occasion d’un débat ordinaire de la 47e session du Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU qui se tient en ligne jusqu’au 13 juillet. Plusieurs pays ont plaidé en faveur du renouvellement du mandat annuel du Rapporteur spécial sur l’Érythrée, une décision qui sera prise par les 47 États membres du CDH le 12 ou 13 juillet.

Pendant les débats, le Rapporteur, Mohamed Abdelsalam Babiker, a reconnu qu’« il est difficile de parler de progrès en ce qui concerne la situation des droits de l’homme en Érythrée », alors que « les autorités poursuivent leur politique de détention arbitraire des individus ».  

« Les prisonniers politiques et les prisonniers d’opinion sont détenus au secret pendant des périodes indéfinies et dans des conditions inhumaines. À cet égard, j’ai reçu des témoignages concordants de familles de détenus, de personnes ayant fui l’Érythrée et d’anciens détenus qui se trouvaient dans des lieux de détention secrets », a-t-il poursuivi.

L’Érythrée, petit pays pauvre de la Corne de l’Afrique, reste l’un des États les plus fermés et répressifs selon les défenseurs des droits de la personne, malgré une détente spectaculaire avec l’Éthiopie voisine amorcée en 2018.

Des centaines de milliers d’Érythréens ont fui leur pays au cours des dernières années, tentant de traverser la Méditerranée pour rejoindre l’Europe, fuyant les persécutions religieuses, les arrestations arbitraires et le service militaire illimité.

« La situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales en Érythrée ne connaît aucune amélioration, malgré nos appels pour que les autorités mettent un terme aux détentions arbitraires, actes de torture, disparitions forcées, restrictions des libertés et réforment le service militaire de durée indéterminée », a déclaré le représentant français François Gave devant le CDH.

« Traduits en justice »

Mais l’Érythrée est également la cible des critiques internationales pour son rôle clé dans l’opération militaire lancée début novembre par l’Éthiopie contre les autorités dissidentes de la région éthiopienne du Tigré.

Ses troupes sont accusées d’avoir perpétré des massacres de civils, selon des rapports d’ONG et des témoignages de survivants.

« Nous sommes préoccupés par le fait que les forces érythréennes y sont responsables de violences sexuelles généralisées, d’exécutions extrajudiciaires et qu’elles empêchent délibérément l’accès à des millions de Tigréens ayant besoin d’aide humanitaire. L’utilisation intentionnelle de la famine des civils comme arme de guerre est totalement inacceptable », a soutenu la représentante britannique devant le Conseil, Rita French.

« Il est essentiel que tous les responsables de violations des droits de l’homme et d’abus rendent des comptes », a-t-elle ajouté. Une demande faite par d’autres diplomates, dont ceux s’exprimant au nom de l’UE et des États-Unis.

« L’impunité ne peut être acceptée ; les auteurs de ces actes doivent être traduits en justice », a souligné l’ambassadrice norvégienne auprès de l’ONU Tine Mørch Smith, au nom des pays nordiques et baltes.

Pour sa part, l’Érythrée a soutenu pendant les débats que ces derniers devaient se limiter à la situation à l’intérieur du pays, et estimé que tout le reste devait être « supprimé » des comptes rendus de l’ONU. Un certain nombre de pays a accordé son soutien à l’Érythrée, dont l’Éthiopie, la Corée du Nord et le Venezuela.

Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme mène actuellement une enquête conjointe avec la Commission éthiopienne des droits de l’Homme au Tigré, avec des équipes sur le terrain depuis le 16 mai.

« Nous espérons que ce travail sera achevé en août », a indiqué lundi la Haute-Commissaire, Michelle Bachelet.