Le président érythréen Issaias Afeworki a annoncé mercredi l'envoi prochain d'une délégation en Éthiopie pour discuter d'une paix entre les deux ennemis jurés, en réponse aux « signaux positifs » émis par le nouveau Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.

Le président érythréen Issaias Afeworki a annoncé mercredi l'envoi prochain d'une délégation en Éthiopie pour discuter d'une paix entre les deux ennemis jurés, en réponse aux  « signaux positifs » émis par le nouveau Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.

« Comme c'est le cas en Érythrée, les Éthiopiens apprécient aussi de vivre en paix et en harmonie avec leur voisin (...). Les signaux positifs émis ces derniers jours peuvent aussi être perçus comme une expression de ce choix populaire  », a déclaré le président Issaias, à l'occasion d'une journée commémorant les martyrs de la guerre d'indépendance contre l'Éthiopie.

Pour cette raison, « nous enverrons une délégation à Addis Abeba pour évaluer directement et en profondeur les développements actuels, et pour établir un plan en vue d'une action continue à l'avenir », a-t-il ajouté, selon une traduction en anglais de son discours publiée par le ministère érythréen de l'Information.

Avec ce discours, le président Issaias offre la première réponse d'Asmara aux ouvertures de paix de M. Abiy, en poste depuis avril.

Ce dernier a salué une « réponse positive », se disant prêt à « accueillir chaleureusement et avec beaucoup de bonne volonté » la délégation érythréenne, a indiqué sur Twitter son chef de cabinet, Fitsum Arega.

M. Abiy avait amorcé début juin un profond changement de politique, en annonçant son intention d'appliquer un accord de paix signé en 2000 avec l'Érythrée et la décision, deux ans plus tard, d'une commission internationale indépendante sur la démarcation de la frontière, qui donnait la ville symbole de Badme à l'Érythrée.

Signé en 2000, l'accord d'Alger avait mis fin à la guerre qui avait opposé l'Éthiopie et l'Érythrée de 1998 à 2000 (80 000 morts). Un désaccord sur le tracé de la frontière avait en partie été à l'origine de ce conflit.

En 2002, une commission soutenue par l'ONU avait tranché en faveur de l'Érythrée. L'Éthiopie avait refusé de se conformer à cette décision, sans que la communauté internationale ne lui réclame de comptes, et elle continue pour l'heure à occuper Badme.

L'Éthiopie n'a pas indiqué quand ses troupes quitteraient Badme. Un journaliste de l'AFP a constaté à la mi-juin qu'elles étaient toujours sur place.

Remous en Éthiopie 

L'annonce de M. Abiy avait été mal accueillie à Badme, dont les quelque 18.000 habitants craignent de se retrouver sous la coupe de leur ancien ennemi, et avait provoqué quelques remous au sein de la coalition au pouvoir en Éthiopie, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF).

Une de ses composantes, le Front de libération du peuple tigréen (TPLF), dont l'influence semble diminuer depuis l'arrivée au pouvoir de M. Abiy, a réclamé une réunion d'urgence de l'EPRDF sur le dossier Badme, une ville située dans la région du Tigré.

L'occupation de Badme et la nécessité de se défendre contre l'Éthiopie sont depuis des années des arguments utilisés par le président Issaias, au pouvoir depuis 1993, pour justifier un régime parmi les plus répressifs au monde.

L'autoritarisme du régime Issaias a isolé l'Érythrée sur la scène diplomatique et provoqué un exode massif de ses citoyens qui ont préféré les dangereuses routes migratoires vers l'Europe à la vie dans leur pays.

Autrefois façade maritime de l'Éthiopie, l'Érythrée a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire en 1991 au terme d'une guerre de trois décennies.

Ce début de rapprochement entre l'Éthiopie et l'Érythrée intervient quelques semaines après la visite à Asmara fin avril du sous-secrétaire d'État américain responsable de l'Afrique, Donald Yamamoto, la première d'un haut responsable américain en Érythrée depuis plusieurs années.

Dans son discours mercredi, M. Issaias, longtemps très critique à l'égard des États-Unis, s'est dit disposé à travailler avec l'administration Trump pour l'inciter, a-t-il dit, « à rectifier d'antérieures politiques mal avisées dans notre région. »