Brazzaville a annoncé mardi l'adoption du projet de constitution permettant au président congolais Denis Sassou Nguesso de se représenter en 2016, affirmant que près de trois quarts des électeurs avaient voté au référendum de dimanche, ce que l'opposition a dénoncé comme une «tricherie».

«Le projet de texte de nouvelle constitution a été adopté et entrera en vigueur dès sa promulgation par le président de la République», a déclaré sur la télévision publique le ministre de l'Intérieur Raymond Mboulou.

Selon les «résultats globaux à l'échelle nationale» proclamés par M. Mboulou, le Oui a obtenu 92,26 % des suffrages exprimés, et la participation a été de 72,44 %.

«Ces chiffres relèvent de la tricherie», a réagi Clément Miérassa, l'un des chefs du Front républicain pour le respect de l'ordre constitutionnel et l'alternance démocratique (FROCAD), une des deux principales plateformes de l'opposition au référendum.

L'opposition à M. Sassou Nguesso avait appelé à boycotter le scrutin qu'elle qualifiait de «coup d'État constitutionnel».

«Lorsqu'on a vu ce qu'on a vu le jour du vote, annoncer un taux de participation de plus de 72 %, c'est extrêmement scandaleux», a déclaré à l'AFP M. Miérassa, «ce sont des résultats tripatouillés».

Lundi, un autre chef du FROCAD, Pascal Tsaty Mabiala, avait estimé que la participation n'avait pas dépassé «10 %». M. Sassou Nguesso a subi «un camouflet», avait-il déclaré à l'AFP, «les Congolais ne se sont pas déplacés, c'était le mot d'ordre que nous avions donné».

«Les résultats sont déjà connus. Tout le monde sait qu'on n'a pas été voter, partout. S'ils inventent des chiffres, cela sera ridicule», avait-il mis en garde, annonçant que l'opposition allait «continuer la désobéissance civile».

Selon les observations de plusieurs journalistes de l'AFP à Brazzaville et Pointe-Noire, la deuxième ville du pays, dans le sud, et les informations récoltées dans plusieurs autres grandes villes dans diverses régions, les électeurs semblent avoir largement boudé les urnes dimanche.

Appel à la «désobéissance civile»

Les résultats du référendum constitutionnel de dimanche au Congo sont «nuls et de nul effet», a affirmé mardi une des deux principales coalitions de l'opposition au président Nguesso, appelant à «la désobéissance civile jusqu'au retrait» du projet de nouvelle constitution.

Dans une déclaration lue à la presse à Brazzaville, cette plateforme d'opposition «demande le retrait du projet purement et simplement, la libération des militants arrêtés, la levée de la mesure d'assignation à résidence de certains leaders et la tenue rapide d'un dialogue inclusif».

«Préserver la paix»

Le projet de constitution soumis au référendum fait sauter les deux verrous interdisant à M. Sassou Nguesso de briguer un troisième mandat présidentiel en 2016 : la limite d'âge et celle du nombre des mandats.

Né en 1943, M. Sassou Nguesso cumule 31 ans à la tête du Congo, petit pays d'Afrique centrale de 4,4 millions d'habitants. Riche en pétrole, cette ancienne colonie française où le groupe Total est solidement implanté, est classée par l'ONU comme un pays au «développement humain moyen», mais avec un fort taux de chômage des jeunes.

M. Sassou Nguesso a dirigé le Congo à l'époque du parti unique, de 1979 jusqu'aux élections pluralistes de 1992, qu'il a perdues. Revenu au pouvoir par les armes en 1997, il a été élu président en 2002 et réélu en 2009.

Selon M. Miérassa, les dirigeants du FROCAD devaient se concerter dans la journée pour décider de la suite à donner à la contestation du référendum.

La campagne référendaire a été marquée par l'interdiction des rassemblements publics, l'assignation à résidence de certains dirigeants d'opposition, et des violences meurtrières à Brazzaville et Pointe-Noire qui ont ravivé dans l'opinion le spectre des épisodes de guerre civile ayant déchiré le pays entre 1993 à 2003.

Mardi, l'internet mobile, les textos et le signal FM de la radio française RFI, l'une des stations les plus écoutées du pays, étaient coupés pour le huitième jour d'affilée.

Plusieurs pays africains ont été récemment confrontés à la question de la modification ou de l'interprétation de leur constitution pour permettre au chef de l'État de se maintenir au pouvoir, à l'image du Burundi, où la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, puis son élection, ont plongé le pays dans une crise profonde et meurtrière.

Lundi, une source diplomatique française à Paris a estimé que la participation au référendum congolais avait été «faible». Selon cette source, «on rentre désormais dans une phase difficile pour essayer de préserver au maximum la paix, sauver des vies, retrouver du consensus».

Avant le scrutin, le président français François Hollande avait rappelé souhaiter «que les constitutions soient respectées et que les consultations électorales se tiennent dans des conditions de transparence incontestables».

La France «prend note du résultat»

La France «prend note du résultat» du référendum de dimanche au Congo sur l'adoption d'une nouvelle Constitution qui permet au président Denis Sassou Nguesso de se représenter en 2016, a indiqué le ministère français des Affaires étrangères.

«Nous prenons note du résultat», a commenté laconiquement le porte-parole du Quai d'Orsay, Romain Nadal.